dimanche 23 août 2009

Amore e rabbia (la contestation)


"... Vous réduisez notre mouvement à un phénomène propre à l'âge..."

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Lorsque le collectif Amore e rabbia est présenté en compétition à la 19e Berlinale, le monde a déjà presque oublié les très nombreux événements* qui ont jalonné la mouvementée année 1968, focalisant bientôt son attention vers la "Nouvelle frontière" des Etats-Unis désormais présidés par un certain Richard Nixon : la Lune. Le film produit par Carlo Lizzani, co-scénariste de Riso amaro et réalisateur de Cronache di poveri amanti notamment, avait-il pour autant perdu toute sa pertinence ? En partie seulement, mais il reste, quarante ans après, le singulier témoignage sur cette époque de cinq cinéastes bien différents.
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"L'indifferenza" : New York. Pendant qu'une femme se fait agresser par deux hommes au pied d'une tour en brique, un conducteur accidenté cherche désespérément du secours pour son épouse gravement blessée. "Agonia" : au seuil de la mort, un homme reçoit dans sa chambre un étrange groupe de vingt personnes se livrant à un insolite cérémonial. "La sequenza del fiore di carta" : remontant une rue de Rome, Riccetto aborde avec allégresse et en toute innocence des inconnus avant d'être interpellé par Dieu. "L'amore" : installés à une terrasse fleurie, une Française et un Italien regardent les images d'un film consacré à un couple sur le point de se marier et dont ils vont être les témoins. "Discutiamo, discutiamo" : des contestataires tentent, malgré l'hostilité des étudiants, d'interrompre un cours de littérature.
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Difficile de trouver un authentique fil conducteur entre les cinq segments d'Amore e rabbia. Si la dialectique révolution-démocratie peut réunir celui, philosophico-politico-poétique, de Jean-Luc Godard (auteur la même année du rousseauiste et non nietzschéen Gai savoir) et celui, burlesco-maoïste, de Marco Bellocchio et Elda Tattoli (La Cina è vicina), l'inspiration des trois premiers apparaît bien distincte. Le semi-polar de Carlo Lizzani, qui venait il est vrai de tourner Banditi a Milano, la psychédélique métaphore imaginée par Bernardo Bertolucci et interprétée par la troupe avant-gardiste The Living Theatre ou l'expérimentale "confusion" superposée du couple innocence-culpabilité signée entre Teorema et Porcile par Pier Paolo Pasolini "impressionnent" tout en laissant davantage perplexe. En essayant de happer l'insaisissable air du temps, Amore e rabbia se révèle paradoxalement anachronique**. Une vertu au cinéma, surtout lorsqu'elle est involontaire !
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*sans être exhaustif, le précoce Printemps de Prague écrasé au cours de l'été, l'occupation de l'université de Rome par les étudiants, les grèves et émeutes en Italie, en France, au Japon et au Mexique, le début de l'insurrection aux Etats-Unis contre la guerre du Viêt-nam.
**les films marquants de l'année 1969 sont en effet Easy Rider, Midnight Cowboy, Satyricon, Z ou encore The Wild Bunch.

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