mercredi 1 juillet 2009

Brutti sporchi e cattivi (affreux, sales et méchants)


"Comme c'est beau de vivre en parfaite harmonie !"

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En 1976, le miracle économique italien n'apparaît désormais plus que comme un vieux souvenir. Le pays dirigé par Aldo Moro puis Giulio Andreotti connaît alors deux crises à leur paroxysme : l'une politique (alternance bloquée et terrorisme croissant), l'autre économique et sociale. Ce dernier aspect est à cette époque relativement peu représenté, sauf de manière détournée, par le cinéma transalpin. Conçu au départ comme un documentaire sur la grande pauvreté, Brutti sporchi e cattivi se transforme en fiction, sans pour autant renier le parti pris de réalisme initial, sans idéalisation ni enjolivure. Co-signé avec son collaborateur régulier Ruggero Maccari et pour la première et unique fois avec Sergio Citti (Accattone), le film permit à Ettore Scola d'obtenir la "Palme de la mise en scène" lors de la 29e édition du Festival de Cannes.
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Dans la masure qu'il possède au milieu d'un bidonville situé sur une colline dominant Rome, Giacinto Mazzatella héberge les nombreux et différents membres de sa famille. Mais cette hospitalité ne l'empêche pas de redouter le vol par l'un d'entre eux de son précieux capital, un million obtenu à titre d'indemnité pour la perte de son œil droit. Une crainte suffisante pour le réveiller la nuit, le pousser à changer régulièrement la cachette de son magot mais aussi à se montrer indifférent ou parfois violent à l'égard de son hétéroclite tribu. Au point de déchaîner à son encontre un croissant et réel ressentiment.
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Brutti sporchi e cattivi dépeint sans ambages une authentique Cour des miracles de la seconde moitié du XXe siècle composée, comme sous l'Ancien Régime, de voleurs, de prostituées (et travestis), de mendiants ou de travailleurs pauvres. Survivre et forniquer sont les motivations essentielles de cette "faune" agitée et disgracieuse, face cachée d'une civilisation globalement décadente pour laquelle l'argent constitue le moteur principal de l'existence. Avec ce film-manifeste, tourné à quelques exceptions près (dont Nino Manfredi évidemment) avec des acteurs non-professionnels ou débutants, le réalisateur de C'eravamo tanto amati réussit à susciter une grande variété de réactions, tant rationnelles qu'affectives tout en élaborant une très impressionnante esthétique de la laideur.

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