mardi 20 janvier 2009

Little Fugitive (le petit fugitif)


"Tout le monde joue..."

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Entré à juste titre, en 1997, au National Film Registry* de la Bibliothèque du Congrès, Little Fugitive appartient assurément à ce type de productions qui font aimer et/ou donne envie de faire du cinéma. Œuvre unique, dans cet art, de l'écrivain pour enfants Raymond Abrashkin (ici sous le pseudonyme de Ray Ashley) en compagnie de son ami et natif comme lui de Brooklyn Morris Engel et de l'épouse de celui-ci, également photographe, Ruth Orkin, cette fiction au caractère très documentaire aurait influencé certains des films de Francois Truffaut, en particulier Les Quatre cents coups, ou de John Cassavetes. Un des six lauréats d'un "Lion d'argent" à la Mostra de Venise 1953, Little Fugitive était en compétition dans la catégorie "meilleur scénario original"** aux Academy Awards 1954... en particulier avec un western mettant en vedette un certain John Wayne.
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Dans un coin modeste de Brooklyn, Joey Norton, âgé de sept ans, et son frère aîné Lennie, douze ans, entretiennent des relations gentiment conflictuelles. Celui-ci éprouve souvent de la lassitude à devoir s'occuper ou jouer avec son cadet. Leur mère-veuve doit, un samedi matin, prendre le train et les laisser seuls environ trente-six heures pour aller au chevet de sa propre mère malade. Avoir, au cours de cette journée et demi, la charge de Joey n'emballe évidemment pas Lennie qui fête ce jour-là son anniversaire et comptait se rendre, le lendemain, à Coney Island pour y dépenser les quelques dollars reçus en cadeau accompagnés d'un joli harmonica. Pour se débarrasser du jeune garçon, amoureux de chevaux et de western, l'un des deux copains de Lennie imagine une très mauvaise blague fondée sur un scénario plutôt macabre.
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Si la trame narrative de ce formidable "petit film" (tourné avec un budget d'environ trente mille dollars) apparaît un peu moins dense que la première réalisation et le probable chef-d'œuvre de Truffaut, d'ailleurs lui aussi nommé dans la même catégorie des "Oscars" six ans plus tard, il ne faut toutefois pas s'y tromper. Little Fugitive ne peut en aucun cas être considéré comme une tentative anecdotique. D'abord par l'inestimable contrepoint qu'il crée vis-à-vis d'une industrie cinématographique alors encore dominée par la comédie musicale ou les super-productions de Cecil B. DeMille. Ensuite par le saisissant et précieux témoignage socio-culturel apporté sur l'époque où il a été réalisé. Surtout associé au charme naturel, à la poésie réaliste ni feinte, ni trop canalisée qu'il dégage à l'aide d'ingrédients élémentaires, qualificatif pris au sens le plus noble du terme. Dans ce récit d'un apprentissage où la contingence se heurte ou naît de l'illusion (et inversement), l'image (au soin évidemment très photographique) et le son élaboré priment sur de rares mais efficaces dialogues. Little Fugitive, dont un remake signé Joanna Lipper est sorti en 2006, nous offre enfin ce luxe incroyable de pouvoir brièvement revoir le monde avec les yeux d'un enfant.
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**attribué a posteriori à Dalton Trumbo pour Roman Holiday l'année du triomphe de From Here to Eternity.




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