jeudi 13 janvier 2011

Black Swan


"I just want to be perfect."

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En faisant finalement aboutir ce vieux projet(1), Darren Aronofsky l'engageait de manière implicite dans un délicat pas de deux avec la référence absolue du drame chorégraphique au cinéma, The Red Shoes. Le cinquième long métrage du natif de Brooklyn devait aussi, et accessoirement, imposer son titre à celui homonyme (historique et d'aventure) d'Henry King dans le souvenir des cinéphiles. S'il ne peut raisonnablement rivaliser avec le chef-d'œuvre (parmi quelques autres) du fameux duo britannique Michael Powell-Emeric Pressburger, Black Swan, lui aussi candidat aux "Golden Globes", constitue sans doute l'une des productions saillantes de l'année écoulée. Grâce à laquelle Natalie Portman, déjà remarquée ici ou là, change de surcroît littéralement de stature.
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Membre du corps de ballet de New York, Nina Sayers se voue corps et âme à son art, sous la très étroite surveillance affectueuse de sa mère Erica, elle-même ancienne danseuse de rang ayant mis un terme à sa carrière au moment de la naissance de son unique enfant. Ce matin-là, Thomas Leroy s'invite à la séance de travail de la compagnie. Le metteur en scène est en effet à la recherche de la future interprète principale de sa nouvelle adaptation du "Lac des cygnes" qu'il s'apprête à produire. Celle-ci deviendra aussi la remplaçante désignée de Beth Macintyre, vedette vieillissante obligée d'abandonner le devant de la scène. En concurrence avec Veronica et surtout la délurée Lily, tout juste arrivée de San Francisco, Nina possède un handicap sérieux pour décrocher le double-rôle : ne pas convaincre Thomas pour celui du Cygne noir en raison de son innocence, de son faible sex-appeal et de la rigidité de sa maîtrise technique. La jeune femme ne se résolvant pas à son échec obtient une seconde entrevue ; contre toute attente, elle est choisie. Mais les visions, les démangeaisons à l'omoplate droit et les saignements des ongles dont elle est victime ne font dès lors qu'empirer.
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A défaut d'être véritablement original et subtil, Black Swan se révèle en revanche plutôt audacieux et efficace sur la thématique (usitée !) de la dualité(2) morbide ou funeste. Soigneusement documenté(3), le film d'ouverture de la 67e Mostra hésite durablement entre drame de la rivalité artistique et thriller psycho(tico)-fantastique régulièrement secoué de spasmes horrifiques (aux résonances parfois proches de celles qui caractérisent les récits de doppelgänger). La fascination presque obsédante de Darren Aronofsky pour le corps, les "arts" et un certain jusqu'au-boutiste s'exprime à nouveau ici avec une force troublante. Il ne tire cependant pas suffisamment parti de la radicale opposition de caractères (aux divers sens du terme) entre ses deux personnages féminins principaux. Si Vincent Cassel et la Russe de naissance Mila Kunis se montrent assez convaincants(4), l'un en disciple de George Balanchine, l'autre en projection fantasmée d'une existence non contrainte, le travail de composition assuré par Natalie Portman impressionne et suscite une réelle déférence. Ce rôle marque assurément un tournant dans la carrière de l'interprète de Mathilda, de Padmé ou d'Evey.
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1. à l'origine intitulé "The Understudy" (la doublure), adapté du récit d'Andres Heinz se situant dans le milieu des comédiens de Broadway.
2. symbolisée ici par les couples plaisir-souffrance, échec-succès, discipline-liberté et complicité-antagonisme.
3. la sœur d'Aronofsky a été formée à l'éprouvante école de la danse classique.
4. contrairement à Barbara Hershey et Winona Ryder hélas cantonnées à la caricature.

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