"Time to go home."
Six ans avant de tourner K-PAX, qui reste à ce jour le meilleur de ses cinq films, le britannique Iain Softley consacrait son premier long métrage* aux débuts du groupe mythique The Beatles. Des photos d'Astrid Kirchherr, découvertes par le cinéaste dix ans plus tôt, sont à l'origine du projet. Produit par Stephen Woolley (le fidèle partenaire du réalisateur irlandais Neil Jordan), Backbeat souligne en particulier l'amitié singulière entre John Lennon et le cinquième Beatles
égaré, Stuart 'Stu' Sutcliffe, ainsi que le tragique destin de ce
dernier. A la fois biographie et fiction, le film s'accorde en effet
quelques libertés par rapport aux faits désormais historiques mais il
offre une alternative au Birth of the Beatles (1979) de Richard Marquand centré lui aussi sur ce que les musicologues autorisés appellent "La période Hambourg" du quintette de rock devenu quatuor.
1960 à Liverpool. John Lennon et Stuart Sutcliffe
sont deux amis faisant les quatre cents coups dans les pubs de cette
ville portuaire du Merseyside. Une rivalité naturelle et fraternelle
oppose et réunit le baratineur éhonté et l'apprenti peintre. Grâce à la
vente inespérée de l'une de ses toiles, Stuart peut s'acheter une guitare et rejoindre la formation de son acolyte en partance pour Hambourg. Là, le groupe (Lennon, Paul McCartney, George Harrison à la guitare, Sutcliffe à la basse et Pete Best à la batterie) se produit au "Kaiser Keller", une minable boite de strip-tease du Reeperbahn puis au réputé "Top Ten". Pendant leur séjour dans la ville natale de Brahms, Stuart rencontre la photographe et intellectuelle d'avant-garde Astrid Kirchherr. Les deux jeunes gens s'éprennent l'un de l'autre, au grand dam, pour des raisons complexes, de John. Le groupe est bientôt expulsé d'Allemagne parce que George est encore mineur avant d'y revenir, l'année suivante. Cette fois, Stuart décide de rester avec Astrid et d'abandonner la musique pour la peinture.
Sorti la même année que la biographie "Backbeat - Stuart Sutcliffe: The Lost Beatle" signé Alan Clayson (déjà auteur d'ouvrages sur G. Harrison et R. Starr) et Pauline Sutcliffe (la jeune sœur de Stu), le film de Iain Softley revient donc sur cette période peu connue qui a précédé la révélation et la fabuleuse ascension des Beatles (il est, au passage, amusant de noter que ce nom n'est jamais prononcé et n'apparaît nulle part dans le film).
Au delà du drame singulier autour du personnage de Stuart Sutcliffe, en
particulier de ce choix, a posteriori insensé, qui l'a empêché de
participer** à l'une des plus belles pages de l'histoire du rock et de
la musique en général, c'est aux fondations d'un mythe que nous fait
assister Softley. La personnalité contrastée de l'écorché vif Lennon, sa relation ambiguë avec son camarade du Liverpool ArtCollege, les tensions au sein du groupe, notamment la volonté de McCartney
de remplacer Sutcliffe à la basse en raison des limites musicales de ce
dernier, la rencontre inopinée avec Ringo Starr, le futur batteur du
groupe, l'origine de la coupe de cheveux de ses membres qui a façonné
son image initiale nous sont relatés avec simplicité et sans aucune
tentation hagiographique.
La réalisation est, dans l'ensemble, de belle facture et le rythme assez tonique. Le casting est solide, emmené par un (natif de Liverpool) Ian Hart qui avait déjà tenu le rôle de Lennon dans The Hours and Times de Christopher Münch et par (la bavaroise de naissance) Sheryl Lee. En voyant Backbeat, on se dit que the Quarrymen devenu The (Silver) Beatles n'aurait peut-être pas résisté à la présence de deux fortes personnalités charismatiques telles que Lennon et Sutcliffe. Mais on ne refait pas l'histoire !
___
*après avoir réalisé des films publicitaires et des clips vidéo.
**son décès précoce ne lui a même pas permis d'assister au succès de
ses anciens partenaires. Son visage apparaît néanmoins sur la pochette
de "Sgt. Pepper".
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