dimanche 28 décembre 2003

La Première fois


"Un mauvais moment à passer, en dix lettres : dépucelage."

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De la partie autobiographique du réalisateur Claude Berri, seul Le Vieil homme et l'enfant mérite vraiment un intérêt cinéphilique. Trois ans plus tard, Le Cinéma de papa nous permet de retrouver Alain Cohen alias Claude Langmann, mais c'est avec La Première fois, en 1976, que la famille originelle se reforme, sans Michel Simon, décédé l'année précédente, et qui, malgré son titre de Pépé, n'avait de toute façon pas de lien parental avec le jeune Langmann.
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Début des années 1950, Claude a 16 ans et suit une scolarité, sans attrait pour lui, au collège Turgot. Comme ses trois copains, René, Samuel et Bernard, il est surtout intéressé par les filles et obsédé par la perte de son pucelage. Ce qui n'est pas du goût de son père, qui souhaite, après ses études, le voir lui succéder à la tête de son petit artisanat de fourreur. Après un échec avec Irène et Nathalie, il doit se résoudre à perdre sa virginité (et ses illusions romanesques) avec une péripatéticienne de la rue Blondel. Mais il ne renonce pourtant pas à l'amour qui se présentera sous les traits de la jeune québécoise, Carole. Décidé à la suivre au Canada, il écoutera cependant les conseils de son père et renoncera à son projet.
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Autant le dire simplement, il ne s'agit pas d'un film inoubliable, et ce n'était probablement pas l'intention de son auteur. Berri y met de l'humour et de la tendresse, et c'est déjà suffisant pour en faire un spectacle qui se laisse regarder sans déplaisir. Il choisit de se montrer, sous les traits d'Alain Cohen, sans concessions, dans l'enthousiasme et la maladresse adolescents qui font le charme et la difficulté de cette époque de la vie. La Première fois est un récit à la première personne et on ne doute pas que les événements narrés sont, à peu de choses près, ceux qu'a vécu le réalisateur. D'Irène la délurée (celle qu'il aurais, pendant une surprise-partie, mangée toute la nuit... si elle n'avait pas un frère !) avec laquelle il ne pourra pas "concrétiser" (pour cause d'intrigue paternelle), Nathalie, la jeune femme plus âgée rencontrée en vacances que l'on réussit à séduire mais à laquelle on confesse, en s'en voulant après coup, sa virginité, Diana l'aventurière sans tabou jusqu'au premier amour, beau et éphémère pour une jeune étrangère pour laquelle on est prêt à tout quitter... avant de reprendre le cours, si l'on peut dire, naturel de sa vie.
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Le film est mal nommé. La première fois intervient, en effet, au milieu du métrage. Tarifée, elle permet, cependant, de réaliser et comprendre toute l'ambiguïté du mot amour. Cet amour, comme le soulignera le père de Claude, qui est, avant tout, le "début des emmerdements", avant de rencontrer "la bonne" celle avec laquelle on peut commencer "à gâcher sa vie", ce qui remet les pieds sur terre. Plus que les conquêtes amoureuses, l'attrait du film repose sur les relations du personnage central avec ses parents, son père surtout, et avec ses amis, en particulier Sammy et René (Urtreger, le pianiste de jazz qui compose la musique du film).
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Outre ces jeunes acteurs, pour la plupart desquels La Première fois sera aussi la dernière au cinéma, y compris pour Alain Cohen qui n'a pas fait grand chose depuis, on retiendra la toujours très bonne prestation de Charles Denner dans un rôle "sur mesure" et la courte mais très efficace participation, entre deux polars*, de Roland Blanche dans celui du frère d'Irène. Il est à l'origine de l'une des deux meilleures scènes du film (la seconde étant la déclaration enflammée et littéraire - tirée du J'irais cracher sur vos tombes de Vernon Sullivan, alias Boris Vian - de Claude à Nathalie). Ce qui frappe, enfin, ce sont les changements radicaux de modes de vie de la jeunesse en un demi-siècle : les adolescents ont troqué, pour la plupart, les sucettes Pierrot gourmand contre la cigarette (quand ce n'est pas pire) et la candeur et le collectif ont laissé la place à la désillusion et l'égotisme qui se manifestent par la vanité ou la violence. De ce point de vue, le film, comme son équivalent féminin La Boum, voire même le plus récent Péril jeune qui, dans une certaine mesure, les prolonge, sont déjà datés. A-t-on gagné au change ?
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