lundi 1 décembre 2003

Il Gattopardo (le guépard)


"Si nous voulons que tout se maintienne, il faut que tout change."

Tourné près de dix ans après Senso dont il reprend certains éléments, Il Gattopardo est le deuxième film de Luchino Visconti à mêler drame et fresque historique. Les deux œuvres se situent à peu près à la même époque, la seconde moitié du XIXe siècle. Mais le premier est un authentique mélodrame (au sens noble du terme, en Italie) qui se passe à Venise, le second a une vocation plus politique et se déroule en Sicile.
Le récit, tiré de l'ouvrage autobiographique de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa paru en 1958, est celui d'une princière famille sicilienne confrontée aux soubresauts de l'unification italienne. Après avoir, avec l'aide de la France, réussi à annexer la plus grande partie de l'Italie du nord, la monarchie piémontaise va réunir à la couronne de Savoie la Vénétie autrichienne et toute la moitié sud de la péninsule détenue par les Bourbons de Naples. C'est le début de l'expédition des Mille placée sous la conduite de Garibaldi. Il s'empare de la Sicile au cours de l'été 1860. Victor-Emmanuel II est proclamé roi d'une Italie qui n'est pas encore unifiée.
Dans ce contexte historique, la noblesse, incarnée par le Prince Don Fabrizio Salina n'est pas menacée. Après une courte période de déplacement, il réintègre les fastes de son palais, d'autant plus facilement que son neveu, Tancredi, a combattu aux côtés des "chemises rouges" de Garibaldi. Mais, même si les apparences sont sauves, c'est néanmoins à la fin d'une époque que nous assistons : la substitution des guépards et des lions par des chacals et des moutons, le rôle éminent pris par la démocratie politique au détriment de l'aristocratie.
L'argument essentiel n'est pas, malgré les scènes du film qui restent illusoirement emblématiques, l'histoire d'amour entre Tancredi et Angelica. Comme dans Morte a Venezia, Ludwig ou Gruppo di famiglia in un interno, ce sont ceux de la finitude et de la tragédie romantique liée au changement (accessoirement du rôle de la religion). Salina/Visconti, l'aristocrate-révolutionnaire, dresse un portrait pessimiste sur cette aube inconnue qui va naître à la suite de ce "crépuscule des dieux" qu'il est entrain de vivre ; dans une certaine mesure, qu'il incarne. Et ce sont alors deux séquences plus confidentielles qui densifient le contenu du film. Le dialogue avec Don Francisco Ciccio Tumeo qui offre une perspective nouvelle à la société civile (symbolisée par l'annonce du mariage entre Tancredi, le noble désargenté et Angelica, la fille d'une riche roturier) et celui avec le Chevalley de Monterzuolo qui dresse un bilan critique de l'histoire récente et fixe des limites aux transformations idéalisées de la politique.
Il Gattopardo est, du point de vue cinématographique, une réussite incontestable. Bien que moins intéressant que Senso par son académisme un peu vieilli et sa lenteur narrative qui tranche avec des œuvres plus modernes, il reste un magnifique témoignage de ce cinéma dans lequel domine une esthétique maîtrisée comme une toile de maître, sans ce souci du spectaculaire quasiment incontournable aujourd'hui. Burt Lancaster est un prince Salina prodigieux, toujours juste, quelque soit la facette du personnage qu'il incarne. Alain Delon trouve en Tancredi un de ses meilleurs rôles et Claudia Cardinale, quoiqu'un peu "moderne" pour le personnage (mais peut-être était-ce la volonté du réalisateur), est splendide "sur tous les plans". Il faut, également, mentionner l'interprétation de Serge Reggiani, évoquer la participation de Terence Hill et souligner la partition, presque lyrique, de Nino Rota.

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