lundi 14 mars 2016

Spectre (007 spectre)

******
"You're a kite dancing in a hurricane, Mr Bond."

Est-il possible de tirer un enseignement des quatre dernières productions de cette franchise (i.e depuis le remplacement de  par Daniel Craig) ? Les volets pairs semblent, à l'évidence, moins bien inspirés. Casino Royale avait négocié ce (périlleux ?) virage de façon très convaincante avant que l'insipide Quantum of Solace ne vienne refroidir notre enthousiasme. Le crépusculaire, nostalgique et remarquable Skyfall, dirigé par le néophyte 1, démontrait avec brio que l'agent secret le plus connu au monde avait bien un lointain passé (enfantin, tu car douloureux) mais bien aussi un véritable quoique chaotique avenir. Vingt-quatrième opus des aventures de James Bond alias 007Spectre constitue une déception. D'autant plus profonde qu'il vient prolonger, de façon plutôt quelconque, l'un des plus réussis de la saga. L'histoire réputée originale (Ian Fleming n'endosse ici aucune responsabilité !) signée par John LoganNeal Purvis et Robert Wade2 manque singulièrement de relief et de saveur. James Bond tente de dévoiler puis de déjouer les projets élaborés par la tentaculaire organisation criminelle3 qui donne son titre au film. Laquelle cherche à utiliser les informations de sécurité de neuf pays centralisées par le MI5 à l'initiative pressante de son directeur C. Bond découvre assez vite qu'elle est dirigée par un individu dont il a été proche lorsqu'ils étaient adolescents, présumé tué à l'époque dans une avalanche.
Le caractère (prétendument4 selon moi) spectaculaire de la séquence d'ouverture n'essaie-t-il pas de camoufler les insuffisances, voire défaillances du scénario ? Les enjeux apparaissent en effet soit diffus, soit peu signifiants. Eparse, l'intensité dramatique n'atteint à aucun moment un véritable degré paroxysmique. Travers désormais courant, les éléments formels (évidente préoccupation majeure des promoteurs5 de ce genre de films) prennent, dans une large mesure, le pas sur la solidité narrative. Certains scènes, à l'exemple de la jolie mais bien vaine poursuite automobile nocturne dans les rues de Rome, répondent uniquement à cette exigence. Les près de deux heures trente du métrage passent, pour ces différentes raisons, moins vite qu'à l'accoutumée. L'incarnation du mal, réinventée6 pour être l'antagoniste en chef dans cet opus, ne possède pas non plus la terrible noirceur, l'inventive démence du précédent7. S'il s'est rapidement imposé, malgré les sottes réticences initiales, comme l'un des meilleurs interprètes de James Bond8 recourt toutefois ici à un registre moins étendu, moins nuancé qu'auparavant. Désormais habituée aux castings internationaux et aux productions anglo-saxonnes à gros budget (telles Mission: Impossible - Ghost Protocol) a en revanche l'occasion de montrer une belle assurance dans le principal rôle féminin.  doit elle se contenter d'une brève et presque décorative apparition.  et  reprennent sans surprise leur personnage aux côtés d'un  (remarqué dans la série Sherlock puis dans le biopic Prideplutôt inconsistant. La photographie du Suisse Hoyte Van Hoytema (Tinker Tailor Soldier SpyInterstellar) suscite chez moi une réelle perplexité. Mais le vrai danger encouru par la franchise serait de voir Christopher Nolan9 prendre les commandes, comme cela semble prévu tôt ou tard, d'un futur volet.

N.B. :
- avec un budget de 245M$ réévalué à 300-350M$ (soit plus du double de celui de Casino Royale), Spectre est, devant Quantum of Solace, le plus couteux film de la série. Ses recettes (200M$ aux Etats-unis, plus de 680M$ à l'international) ont été inférieures à celles de Skyfall (304M$/804M$).
- le compositeur et interprète de la chanson Sam Smith (gratifié de quatre "Grammy Awards" en 2015) et l'auteur James Napier ont obtenu un "Golden Globe" et un "Oscar". "Writing's On The Wall" est pourtant l'une des chansons de la série les moins mémorables.
- un vingt-cinquième volet est entré en pré-production sans date de sortie. Le tournage pourrait débuter au printemps... avec ou sans  ?
___
1. la précédente production de la série confiée à un Anglais () était The World Is Not Enough en 1999... année de sortie du premier des actuels sept films de MendesAmerican Beauty.
2. le premier (Gladiator, scénariste de The Aviator et adaptateur d'Hugo) a déjà co-écrit Skyfall. Son script a ensuite été retravaillé par le duo Purvis-Wade ("jamesbondistes" depuis The World Is Not Enough déjà cité). Jez Butterworth (Edge of Tomorrow) a participé à la rédaction du scénario.
3. active, dès l'inaugural Dr. No, tout au long de la première période (1962-1971) de la franchise.
4. Dans un entretien (avec le magazine "Empire") préalable au tournage du film, le producteur Michael G. Wilson déclarait que la séquence pré-générique (toujours explosive et phénoménale) "serait la plus grande qu'on ait jamais tournée dans la saga, peut-être la plus grande jamais faite... Ce que prépare Sam Mendes est incroyablement passionnant. Nous avons eu mille cinq cents figurants pour le Jour des morts, des costumes et du maquillage, et nous avons occupé le centre de Mexico pendant plusieurs jours. La seule scène qui pourrait égaler celle-ci serait celle du Carnaval de Rio dans Moonraker (1979), mais je pense que la nôtre sera encore plus démesurée".
5. en l'occurrence Barbara Broccoli et M.G. Wilson associés comme producteurs en titre depuis GoldenEye (1995). L'héritière californienne et le New-yorkais ont néanmoins participé ensemble pour la première fois à la production d'un James Bond à l'occasion de The Spy Who Loved Me (1977).
6. Franz Oberhauser alias Ernst Stavro Blofeld, personnage tenu avant le polyglotte Christoph Waltz (les Anglais Gary Oldman et Chiwetel Ejiofor ont été pressentis pour le rôle) notamment par Donald Pleasence (You Only Live Twice), Telly Savalas (On Her Majesty's Secret Service), Charles Gray (Diamonds Are Forever) ou encore... par Max von Sydow dans l'"apocryphe" Never Say Never Again.
7. le déroutant, inquiétant Silva, formidablement interprété par l'Espagnol .
8. également crédité comme co-producteur, une première dans sa carrière.
9. son récurrent collaborateur, l'Australien Lee Smith, a été chargé du montage du film.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire