jeudi 11 juin 2015

The Lady from Shanghai (la dame de shanghai)

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"... What are we scared of?"

Etrange présent d'une séparation annoncée, cet unique film réunissant  et sa deuxième épouse a été mal perçu lors de sa sortie en 1947. En raison d'abord de la manifeste abstrusion de l'intrigue sur laquelle il repose. Ensuite parce que le cinéaste y prend un malin plaisir à altérer1 (dépersonnaliser) l'image iconique de , nouvelle grande star féminine de la Columbia. Au moins aussi opportuniste que talentueux,  s'était au départ attribué l'invention de ce récit narré en flashback à la première personne. Un drame criminel inspiré en réalité par le roman "If I Die Before I Wake"2 de  édité en 1938 (qu'il prétendait d'ailleurs - par forfanterie et/ou pure provocation ? - n'avoir pas lu). Assez dissemblable de ses productions précédentes, ce cinquième long métrage(troisième adaptation) partage néanmoins avec elles des thématiques (corruption, turpitude, pessimisme qui confine parfois au pressentiment eschatologique...) et tonalités caractéristiques.
Authentique femme fatale, au sens du film-noir, Elsa Bannister, mariéeà un riche (mais handicapé des membres inférieures) avocat spécialiste des homicides, apparaît pourtant d'emblée comme un personnage vulnérable. Malgré ses résistances intellectuelles et morales, Michael 'Mike' O'Hara ne peut éviter les bien insolites pièges imbriqués pour lesquels elle ne semble être qu'un levier. Le périple maritimo-touristique5, déroutant sur le plan scénaristique, fonde le contexte en brossant à fins traits le profil psychologique des principaux protagonistes. La narration ne se noue en effet que tardivement et de manière plutôt inattendue. L'usage des registres ironique et de la comédie noire (en particulier lors de la partie judiciaire6) goûtés par  contribue également à la singularité de ce polar. Si la faible tension dramatique, probablement délibérée de la part du cinéaste, et le relatif désintérêt pour les personnages périphériques peuvent constituer des arguments à charge, The Lady from Shanghai7 n'a rien d'une œuvre anodine. Grâce au duo 8-, aux interprétations d' (Mr. Bernstein dans Citizen Kane) et du comédien  mais aussi à la photographie de Charles Lawton Jr. (secondé sans crédit par Rudolph Maté - sa dernière contribution en tant que cinématographe, passé à la réalisation après Gilda - et Joseph Walker, le chef-op préféré de Frank Capra), le film dissipe assurément son anecdotique échec commercial et continue de susciter la considération des cinéphiles.
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1. une résolution en partie contrariée par les modifications apportées par Harry Cohn, l'énergique et autoritaire patron du studio hollywoodien.
2. dont les droits avaient été acquis par William Castle, auteur d'un premier traitement, l'un des trois scénaristes (avec Charles Lederer et Fletcher Markle) non crédités au générique.
3. sixième si l'on tient compte de Journey Into Fear réalisé par Norman Foster mais finalisé par Welles.
4. les raisons, possiblement sournoises, de cette union demeurent occultées.
5. à bord du yacht d' que l'on aperçoit brièvement.
6. au cours de laquelle l'avocat de la défense est appelé, de façon inusitée, comme témoin... avant de s'interroger lui-même.
7. titre un peu trompeur justifié par un élément du dialogue initial et par la séquence pré-finale se déroulant à Chinatown.
8. finalement préférée à Barbara Laage et à Ida Lupino.






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