mercredi 17 juin 2015

Das Boot (le bateau)

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"Not yet. Not yet."

Adapté du roman éponyme (paru en 1973) de , Das Boot reste, près de trente-cinq ans après sa sortie initiale, l'un des plus réalistes et remarquables films de guerre (a fortiori sous-marine1) produits au cours du demi-siècle passé. L'ouvrage puisait en effet son inspiration narrative dans l'expérience vécue en 1941 par le peintre-écrivain natif de Weimar (en février 1918) à bord d'un Unterseeboot comme engagé volontaire dans la marine et correspondant de guerre. Le jeune lieutenant y relatait l'ultime et dramatique mission de l'"U-96"2 menée, au départ de La Rochelle, dans le cadre de la Seconde Bataille de l'Atlantique. Pour tenter d'atteindre l'objectif d'empêcher le ravitaillement du Royaume-Uni, plusieurs torpilleurs submersibles devaient couler le maximum de convois qui y étaient acheminés.
Le récit débute au moment où s'opère un retournement décisif. L'effort déployé dans ce domaine par l'Allemagne nazie connait une intensification considérable (près de 200 U-Boote sortent des usines en 1941 contre 50 l'année précédente). De son côté, le dernier pays allié encore au combat en Europe accroit la protection des cargos à l'aide de bateaux escorteurs, de l'aviation ou encore du progrès des moyens de détection sous-marine (hydrophone, ASDIC). Les éléments techniques3 occupent d'ailleurs dans le film une place presque aussi déterminante que les aspects psychologiques. Le spectateur partage ainsi le quotidien d'un équipage confronté à l'exiguïté du navire, à la forte promiscuité, au défaut d'hygiène et à l'inaction forcée pendant les longues phases de recherche de cibles. La crainte allusive pour les proches semble, au demeurant, plus forte que celle de la claustration prolongée ou que la peur du danger immédiat lors des attaques. L'empathie pour (quelques uns des membres de) cette petite communauté humaine, y compris chez les descendants de leurs adversaires, est rendue possible grâce à l'absence de personnification de l'ennemi et au recul critique4 souvent pris à l'égard des autorités politiques du pays.
Le caractère insensé du projet envisagé par ces derniers devient en l'occurrence manifeste lorsque l'on balance l'ambition démesurée affichée et les moyens mis en œuvre, les exigences (sacrificielles, trois quarts des quarante mille marins ont péri au cours de cette longue opération) requises pour l'atteindre soulignés dans Das Boot. Confiée à 5, la réalisation participe grandement au réalisme et à l'efficacité formelle et narrative du film. Lequel doit cependant beaucoup aux interprétations du Berlinois 6, d'7, du Bavarois 8 en tête d'une distribution globalement solide. Le métrage originel de deux heures vingt-cinq exploité en 1981 a ensuite été développé en mini série télévisée9 (de trois épisodes de près de cinq heures) diffusée en février 1985 par le réseau fédéral public ARD avant de ressortir dans un "montage du réalisateur" de trois heures et demi. Plus couteuse production germanique (avec un budget d'environ 31 millions de deutche marks) jusqu'en 2006, Das Boot a également longtemps détenu le record de nominations d'un film étranger aux Academy Awards10 après avoir obtenu plusieurs récompenses dans son pays.
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1. genre auquel appartiennent The Enemy Below (1957) de  ou U-571 (2000) de .
2. bâtiment de type VIIc lancé en août 1940, mis en service le 14 septembre suivant et, dans les faits, détruit à Wilhelmshaven (Basse-Saxe) par l'aviation étasunienne le 30 mars 1945.
3. qui frôle parfois l'assertion (propagandiste) de savoir-faire mécanique germanique.
4. exprimé notamment dans la réplique désabusée du lieutenant Werner : "'être sans peur et fier et seul. N'avoir besoin de personne, juste de se sacrifier. Tout pour la Mère-patrie'. Mon Dieu, que de vaines paroles."
5. né en mars 1941 à Emden, port de la Mer du Nord situé à un peu plus de 80 km de Wilhelmshaven déjà cité, en grande partie détruit par les bombardements alliés en septembre 1944. La direction de Das Boot lui a conféré une compétence des tournages maritimes exploitée à Hollywood dans l'adaptation The Perfect Storm (2060) puis dans le remake Poseidon (2006) avec lequel sa carrière paraît avoir... sombré !
6. précédemment dirigé par  dans le drame homosexuel Die Konsequenz.
7. surtout connu en tant que chanteur rock et compositeur.
8. acteur de télévision dans le premier de ses quatre rôles pour le cinéma.
9. sans doute le format le plus adapté, le film dans sa version "Director's Cut", malgré ses indéniables qualités, souffre un peu de longueurs et situations répétitives.
10. six citations (dont deux dans des catégories majeures) aux 55e "Oscars".











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