"... Par le travail... ou la mort !"
Moins connu que le Scarface d'Howard Hawks sorti la même année, avec également Paul Muni en tête d'affiche, I Am a Fugitive from a Chain Gang lui est peut-être supérieur. Le polyvalent Mervyn LeRoy, venu de la comédie et qui œuvrera bientôt comme producteur au sein de la Warner puis pour la Metro-Goldwyn-Mayer, avait déjà montré sa capacité à diriger de solides polars tels que Little Caesar, Five Star Final ou Two Seconds. En plein âge d'or du cinéma fantastique à Hollywood, le cousin de Jesse L. Lasky, avec le récit autobiographique de Robert E. Burns,
publié en plusieurs parties au début des années 1930 dans une revue du
New Jersey, s'attaquait à un sujet nettement plus social* et politique.
Le film n'a-t-il d'ailleurs pas contribué à influencer la réforme du
régime carcéral en Géorgie ? Sélectionné aux Academy Awards 1934, I Am a Fugitive... permettait à son acteur vedette d'obtenir la deuxième de ses six nominations aux "Oscars".
Le sergent James Allen,
démobilisé à la fin de la Première Guerre mondiale, retourne dans sa
petite ville de Lynndale. Il y retrouve sa mère, son révérend de frère, Clint et, malgré sa réticence, un emploi dans l'usine de chaussures de M. Parker. Parce qu'il a participé, pendant le conflit, à quelques ouvrages de construction, Allen
rêve de travailler dans le génie civil. Il quitte bientôt son poste et
part à Boston. Mais la situation économique n'est guère favorable.
Soumis au régime des emplois précaires, il est contraint de sillonner
l'Est du pays sans pour autant éviter le chômage et la pauvreté. Un
soir, il rencontre dans une pension un inconnu appelé Pete qui lui offre spontanément le dîner dans un snack voisin. En réalité, Allen
est obligé, sous la menace d'un revolver, de l'aider à voler la modeste
recette de l'établissement. Le braqueur est rapidement abattu par un
policier, Allen est arrêté pour complicité et condamné à dix de
travaux forcés dans un pénitencier. Les conditions de vie à l'intérieur
de la prison se révèlent vite intolérables et l'innocent enchaîné
commence à échafauder un plan d'évasion.
I Am a Fugitive from a Chain Gang
n'est peut-être pas le premier film dépeignant l'univers carcéral, mais
il en est certainement l'un des plus réussis. Son influence sur les
productions ultérieures, en particulier The Defiant Ones de Stanley Kramer ou Cool Hand Luke et Brubaker de Stuart Rosenberg, est également manifeste. Mais il n'est pas que cela puisqu'il soulève l'épineux problème de la réinsertion (des anciens militaires et prisonniers)
et stigmatise, sans ménagement, les défaillances, voire l'hypocrisie,
du système judiciaire et gouvernemental étasunien. Une dénonciation qui
a, malheureusement, gardé toute son actualité, pas seulement
outre-Atlantique. L'acuité du scénario est évidemment renforcée par
l'authenticité des faits relatés, prouvant une nouvelle fois
l'affirmation de Mark Twain selon laquelle "la réalité dépasse la fiction..."** Le film de Mervyn LeRoy offre à Paul Muni
l'occasion de mettre en évidence son talent et d'atteindre au cinéma un
succès comparable à celui rencontré sur scène. A ses côtés
apparaissent, trop fugitivement, un groupe de charmantes jeunes femmes,
parmi lesquelles Glenda Farrell incarnant la venimeuse Marie Woods et le moins séduisant Edward Ellis, le futur Thin Man de W.S. Van Dyke et shérif du Fury de Fritz Lang. Daniel Mann adaptera, cinquante-cinq ans plus tard, pour la télévision l'ouvrage de Robert E. Burns sous le titre The Man Who Broke 1,000 Chains avec Val Kilmer dans le rôle principal.
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*le film est probablement l'un de ceux qui ont forgé la réputation "sociale" du studio hollywoodien dans les années 1930.
**"... car la fiction doit contenir la vraisemblance, mais non pas de la réalité."
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