"Pourquoi la pluie est claire mais cette eau si trouble ?"
C'est
souvent avec une certaine curiosité, teintée de sympathie, que l'on
découvre l'œuvre, ici un premier long métrage de fiction, d'un nouveau
représentant du "plus jeune cinéma d'Asie" (selon l'expression de Georges Sadoul). Après les trois jolis films de Tran Anh Hung et le récent Vu khuc con co, Mua len trau de Nghiem-Minh Nguyen-Vô, "prix de la jeunesse"
au Festival de Locarno 2004, séduit tout à la fois par son histoire et
par sa réalisation. Ce récit de voyages initiatiques, inspiré du recueil
"Huong Rung Ca Mau" (parfum de la forêt de Cà-Mau) de Son Nam,
fait, en effet, preuve d'une grande maîtrise narrative et stylistique.
Son réalisme documentaire est parcouru par un étonnant souffle poétique
et sublimé par une remarquable photographie qui en transforment
radicalement le sens.
Région
de Cà-Mau, dans un Viêt-nam colonisé par la France. La saison des
pluies et des inondations approche. Parce qu'il ne peut payer le
convoyage de ses deux buffles, Dinh charge son jeune fils Kim
d'emmener l'unique richesse de sa famille rizicultrice, très endettée,
vers les pâturages du mont Bâ-thé. En chemin, celui-ci rejoint le groupe
de gardiens de bovidés, à la réputation de brigands, dirigé par Lap et passe avec lui cette période de transhumance. Lorsqu'il rentre chez lui avec un seul animal, Kim est décidé, malgré la réprobation de ses parents, à devenir gardien de buffles avec son nouvel ami Det.
Cet hymne à la nature (y compris humaine), en particulier à l'eau, rythmé par la très belle partition musicale de Tôn Thât Tiêt aux sonorités ravelo-satiennes,
installe, dès son introduction, un climat authentiquement envoûtant.
Aux confins, parfois, du fantastique, ce récit, en flash back, du
passage d'un jeune homme à l'âge adulte joue, intelligemment, sur une
dualité spirituel-matériel qui ponctue tout le film. Mua len trau
est aussi une métaphore sur le temps où les thèmes de la transmission
et de la responsabilité sont abordés avec beaucoup de sensibilité, de
finesse et de pudeur. Une bien belle première œuvre, justement saluée
dans plusieurs festivals, de ce cinéaste "scientifique" qui, nous
l'espérons, sera bientôt suivie d'autres productions.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire