vendredi 1 juin 2007

Silvia Prieto


"Fausses pistes."

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La qualité d'écrivain de Martin Rejtman, figure du nouveau cinéma argentin avec Adrian Caetano et Pablo Trapero* notamment, influence assez nettement son style cinématographique. Silvia Prieto, son deuxième long métrage, en apporte une preuve incontestable. D'ailleurs inspiré par un roman inachevé d'une amie, le scénario s'articule, sans logique apparente, autour des destins croisés de ses multiples et parfois éphémères protagonistes. Sélectionné dans une section parallèle de la Berlinale 1999, le film a reçu la même année le "Prix du meilleur scénario" et Rosario Blefari celui de la meilleure actrice au Festival des trois continents de Nantes.
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Le jour de son vingt-septième anniversaire, Silvia Prieto décide de changer de vie. Embauchée comme serveuse dans un bar, elle s'achète un canari et cesse de fumer du cannabis. Marcelo Echegoyen, son ex-mari, entame une liaison avec Brite, une jeune femme qui distribue des échantillons de lessive dans la rue. Avec son premier salaire, Silvia part en week end à Mar del Plata. Abordée par un touriste italien, elle vole la jolie veste qu'il lui a gentiment prêtée pour la protéger du froid. Lorsqu'il se manifeste au téléphone, Silvia découvre qu'elle possède une homonyme à Buenos Aires. Elle quitte son job, devient hôtesse comme Brite, laquelle lui propose de rencontrer son ex-époux, Gabriel Rossi, tout récemment revenu de Los Angeles.
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Quelque part entre Short Cuts et les comédies légèrement amères de Woody Allen des années 1970, Silvia Prieto tisse une trame un peu lâche faite de hasard, d'ironie mélancolique et de déception. Les différents personnages principaux y poursuivent avec obsession un improbable bonheur. Martin Rejtman souligne cette quête maladroite en ne les montrant quasiment jamais en activité et par le refus permanent qu'ils affichent à affronter la réalité. La figure du double, la confusion des identités et la méprise occupent également une place prépondérante dans un scénario souvent drôle. Il manque cependant à l'histoire et à la mise en scène ce soupçon de folie susceptible de faire naître l'enthousiasme.
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*auxquels on peut ajouter Lucrecia Martel, Daniel Burman et Diego Lerman.

American Boy: A Profile of Steven Prince


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Le 13 janvier 1977, George Memmoli reçoit Steven Prince dans sa maison de Los Angeles. Après un vigoureux corps à corps entre les deux hommes, l'ex-road manager de Neil Diamond raconte à son hôte et ses amis, devant la caméra de Martin Scorsese, quelques épisodes*, drôles et/ou dramatiques, de son existence mouvementée (durée : 52'25).
Titulaire de petits rôles dans Taxi Driver et New York, New York (dans lequel joue également George Memmoli), Steven Prince possède d'authentiques qualités de narrateur. Difficile de dissocier dans ses stupéfiantes (à tous les sens du terme !) histoires la probable part fictionnelle**, destinée à épater ou à amuser son auditoire, de la réalité. La gloriole circonstanciée affichée par l'ancien héroïnomane ne dissimule toutefois pas ses accents pathétiques.
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*Dad - Mom - Aunt Bessie - Hot Bagels - On the Sound - In the Park - Backstage - The Draft - Jack the Cop - Cocoa Jacks - Shooting Gallery - Ethyl & Regular - Surviving.
**notamment l'enthousiaste récit de l'injection d'adrénaline à une junkie overdosée repris par Quentin Tarantino dans le scénario de Pulp Fiction.

Italianamerican


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Luciano 'Charlie' et Catherine 'Kelly' Scorsese sont invités par leur second fils 'Marty' à parler librement, parfois de façon contradictoire, de leur enfance et de leur famille (nombreuse !). En guise d'introduction, pendant que Madame révèle la recette de sa "sauce"*, Monsieur évoque Delancey et Orchard Streets, habitées alors par les Irlandais et les Juifs, au moment de l'arrivée des Italiens dans ce qui deviendra par la suite "Little Italy" (durée : 47'10).
Produit dans le cadre d'un projet collectif consacré aux immigrants intitulé "Storm of Strangers" par le National Endowment for the Humanities for the Bicentennial, Italianamerican lève le voile sur le réel talent de documentariste du cinéaste. Réalisé avec une grande spontanéité et de modestes moyens dans l'appartement du très sympathique couple parental d'Elizabeth Street, ce moyen métrage, en plus de nous éclairer sur les racines de son auteur, possède une indéniable dimension historique et culturelle.
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*détaillée dans le générique de fin.

The Big Shave


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Un jeune homme pénètre dans une salle de bains immaculée pour une banale séance de rasage mécanique. Après la seconde application de mousse, l'individu s'inflige, sans souffrance apparente, une impressionnante série d'estafilades de plus en plus sanglantes (durée : 5'15).
Le plus connu des courts métrages de Martin Scorsese est tourné alors que le réalisateur ne parvient pas à distribuer son premier long, Who's that knocking at my door?, produit deux ans plus tôt. La très manifeste tonalité obsessionnelle, anxieuse voire "oniricauchemardesque" a certainement dû intriguer les psychothérapeutes de l'époque. Le film, sous-titré "Viet '67", constitue a posteriori (voir anecdote) une charge contre le meurtrier engagement des Etats-Unis en Indochine, annonçant de façon prémonitoire le début de la débâcle de l'armée US avec l'offensive du Têt. Scorsese illustre ironiquement sa "saignée" non curative par le jazzy "I Can't Get Started" du big band de Bunny Berigan*.
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*vingt ans plus tard, Barry Levinson choisira, dans cet esprit, "What A Wonderful World" interprété par Louis Armstrong pour sa comédie dramatique Good Morning, Vietnam.

It's Not Just You, Murray!


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Sa réussite professionnelle, Murray la doit à Joe, son ami d'enfance. Ensemble, ils ont lancé, trente ans plus tôt, un prospère commerce de gin distillé, malheureusement mis en sommeil par la police et la justice. C'est aussi grâce à lui qu'il a rencontré sa future épouse, inspiratrice de la comédie musicale à succès "Love is a Gazelle", activité à laquelle se sont ensuite ajoutées de multiples diversifications (durée : 15'39).
Première incursion, sur un mode humoristique, de Martin Scorsese dans l'univers des "mauvais garçons", It's Not Just You, Murray!, tout en conservant une partie de la spontanéité du précédent court, est plus élaboré sur le plan de la narration (amitié, trahison...) et de la mise en scène. L'influence de Mardik Martin, co-scénariste de Mean Streets et de Raging Bull, est évidemment sensible. On retrouve également des gimmicks de What's a Nice Girl..., les conseils distanciés de l'acolyte et l'intermède de music-hall. On relève enfin la première des douze apparitions* de Catherine Scorsese, la mère de Martin.
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*parmi lesquelles la mère de Robert De Niro alias Rupert Pupkin dans The King of Comedy, celle de Joe Pesci-Tommy DeVito dans Goodfellas ou de Vinny Vella-Artie Piscano dans Casino.

What's a Nice Girl Like You Doing in a Place Like This?


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Algernon, appelé Harry par ses amis, vient d'emménager dans un petit et abordable logement new-yorkais, un endroit idéal pour écrire. Chez un libraire âgé, il trouve une photographie banale montrant un homme sur une barque et l'acquiert. Dès lors, il se rend compte qu'il ne peut plus détacher son regard de cette image fixée au mur. Elle l'empêche d'écrire, de s'alimenter et même de dormir (durée : 9'16).
Martin Scorsese réalise ses deux premiers courts métrage alors qu'il est encore étudiant à la Tisch School of the Arts (New York University). Presque entièrement narré en voix-off, What's a Nice Girl..., dans la lignée duquel se situe le plus radical Barton Fink, manie volontiers un humour à la fois saugrenu et fantasmatique.