jeudi 14 juin 2012

L'Assassino (l'assassin)


"Pas mal comme jeu. Jouons-y jusqu'au bout !"

 - film - 22927_8
Ceux qui ont découvert les films d'Elio Petri dans leur stricte chronologie n'y ont peut-être pas été sensibles. Mais, rétrospectivement, cette première réalisation du cinéaste romain éclaire certaines des suivantes de manière subtile. En particulier Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto avec lequel cet Assassino partage une évidente proximité tout en se situant à son opposé sur le spectre narratif. Avec ce drame psychologique dissimulé dans un polar aux connotations absurdes et drôles, Antonio Guerra s'évade un peu de l'univers de Michelangelo Antonioni dont il est alors le collaborateur régulier. Le Santarcangioleso et Petri avaient déjà travaillé ensemble à quatre reprises, notamment auprès de Giuseppe De Santis. Autre particularité du film, le retour en Italie de la Parisienne Micheline Presle dans un rôle secondaire aux côtés de l'omniprésent Marcello Mastroianni.
 - film - 22927_16
Alfredo Martelli rentre chez lui au petit matin. L'antiquaire a prévu de quitter sous peu son appartement romain pour rejoindre sa fiancée à Lucques. L'arrivée impromptue d'un groupe de trois inspecteurs de police dirigé par Margiotta, qu'il prend d'abord pour des clients, contrarie son projet. Après une rapide exploration des lieux, Martelli est emmené, sans en connaitre le motif, au commissariat de San Vitale. Au terme d'une longue attente imposée sciemment, il est reçu par le commissaire Palumbo qui l'a observé derrière un miroir sans tain. Martelli lui confirme détenir désormais en pleine propriété une boutique acquise cinq ou six ans auparavant avec l'aide de son ex-associée Adalgisa de Matteis. Il doit également avouer être fiancé à Nicoletta Nogaro, la fille d'un industriel connu du secteur pharmaceutique. En tentant d'avertir Adalgisa de sa rétention au commissariat, Martelli apprend son décès, un assassinat dont il est le principal suspect dans la mesure où il est la dernière personne à l'avoir rencontrée, la veille au soir, dans son hôtel en réfection de Tor San Lorenzo. Une présomption de culpabilité renforcée par son statut d'ancien amant débiteur à son égard d'une forte somme.
 - film - 22927_18
Longue garde à vue d'un témoin-suspect, ponctuée de réminiscences en flashback, L'Assassino met en scène (et en jeu) un "personnage aliéné" dans un contexte de forte "incommunicabilité" (selon les propres termes d'Elio Petri). Confronté à ses contradictions, à la fausse tranquillité de sa conscience, Alfredo Martelli ne cesse de passer pour un coupable potentiel. D'autant que peuvent s'exprimer à son encontre, outre les inévitables rancœurs et autres mesquines vengeances, de vieilles présomptions liées à l'attitude antifasciste empruntée par son grand-père... dont il se moquait pourtant bien ! Sans être un véritable pastiche (du cinéma antonionien ?), le film a néanmoins des allures d'exercice de style sur la relativité de l'honnêteté et la relation kafkaïenne avec l'autorité policière*. Si l'on est forcément un peu déçu par la faible place occupée par les personnages interprétés par Micheline Presle et la Milanaise Cristina Gaioni (Nella città l'inferno), le numéro de duettiste auquel se livrent Marcello Mastroianni et le Sicilien Salvo Randone s'avère savoureux à souhait. La qualité de la photographie assurée par Carlo Di Palma doit aussi et enfin être soulignée.
___
*dont l'incapacité à distinguer le bien et le mal serait, selon le commissaire Palumbo, d'origine constitutionnelle, i.e. liée à la préservation excessive des libertés publiques !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire