lundi 14 mai 2012

Waste Land


"... Je n'aurais jamais imaginé devenir un œuvre d'art."

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Né à São Paulo, Vik Muniz s'installe aux Etats-Unis en 1983. Après y avoir exercé de petits boulots, il acquiert une certaine notoriété à partir de 1996 grâce aux séries intitulées "The Sugar Children" puis "Pictures of Chocolate". Le plasticien "illusionniste" (selon sa propre qualification) possède en effet la particularité d'utiliser divers matériaux pour réaliser, avant de les photographier, ses (re)productions. Une "Mona Lisa" en beurre de cacahouète et confiture, le "Narciso" du Caravage en éléments recyclés ou une Elizabeth Taylor en diamants figurent parmi ses œuvres (dont certaines sont exposées au célèbre MoMA de Manhattan). En 2008, Muniz décide de faire de Jardim Gramacho, une des plus vastes décharges du globe située au nord de Rio de Janeiro, l'insolite terrain de sa nouvelle expérimentation artistique. Sujet du documentaire Waste Land co-dirigé par la Britannique Lucy Walker (Devil's Playground, Blindsight) récompensé à Sundance et à la 60e Berlinale puis nommé l'année suivante aux Academy Awards.
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La volonté exprimée par Vik Muniz de s'éloigner d'une approche trop classique des beaux-arts s'accompagne alors du souhait de pouvoir changer l'existence d'un groupe de personnes. Fabio, le directeur de son atelier à Rio, lui suggère de s'intéresser à Jardim Gramacho, site entouré de favelas régis par divers trafics illégaux. Muniz va y passer deux ans, rencontrer des catadores (trieurs) chargés, par leur collecte sélective, d'alimenter l'économie du recyclage. Parmi lesquels Isis, Tião, le jeune président de l'ACAMJG*, Valter, trieur depuis vingt-six ans et fier de l'être, Irma qui prépare sur place des repas ou encore Magna. Et les associer étroitement à son travail de création artistique.
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Visiblement partisan d'une esthétique investie d'une responsabilité sociale, forme d'art chère aux philosophes du milieu du XIXe siècle, Vik Muniz tient et réussit un pari délicat. Celui d'une expression dans laquelle l'humanité (et, accessoirement, la matière) tient une part plus importante que le concept pictural. Waste Land détaille d'ailleurs fort bien l'approche pragmatique, décisivement participative qu'il entreprend. Les épisodes de détermination, de doute et d'enthousiasme ne sont en outre pas dissimulés, participant à l'intérêt de ce documentaire (qui rappelle un peu Garbage Dreams de l'Etasunienne Mai Iskander). Il est enfin très réjouissant de voir un artiste opter pour une démarche diamétralement opposée à celle, solitaire et le plus souvent mercantile, traditionnellement suivie par ses confrères.
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*Associação dos Catadores do Aterro Metropolitano de Jardim Gramacho.

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