dimanche 25 mars 2012

Husbands


"Who you're kidding?"

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Malgré leurs fortes dissemblances, cette cinquième réalisations (et troisième film indépendant) de John Cassavetes s'inscrit bien dans l'esprit du précédent, Faces, initialement écrit pour le théâtre. Drame confusément (spastiquement ?) entraîné vers une tonalité presque incontrôlée de comédie(1), Husbands, pourtant nommé dans la catégorie "scénario" de la 28e cérémonie des Golden Globes, fait partie de ces œuvres rares au cinéma suscitant une opinion nettement tranchée. Financé par l'Italien Bino Cicogna (rencontré pendant la production de Gli intoccabili qu'il tourne alors avec Peter Falk) et traité une nouvelle fois avec une apparente totale spontanéité(2), il s'agit davantage encore d'un film de et pour les acteurs. Occasion unique et savoureuse de voir ensemble Cassavetes, Falk et Ben Gazzara devant la caméra.
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Au terme des obsèques de leur proche ami Stuart Jackson auxquelles ils ont assisté, Harry, Archie Black et Gus Demetri ne manifestent aucune envie de rentrer chez eux. A une première nuit d'ivresse succèdent une partie à trois de basket-ball, du crawl dans une piscine puis une petite fête chantante et abondamment arrosée à la bière avec quelques aînés de leur connaissance. Malgré le trouble physique et mental ressenti par le trio au petit matin, Harry choisit d'aller travailler après un passage à son domicile. Une vive dispute l'oppose à son épouse, d'abord prétendument absente selon la complice affirmation de la mère de cette dernière, interrompue par l'intervention musclée de Gus et Archie. Celui-là se retrouve bientôt brièvement aux prises avec une patiente nerveuse et récalcitrante de son cabinet dentaire. De son côté, Harry décide de partir pour Londres ; Archie et Gus diffèrent le retour à leur existence routinière et l'accompagnent.
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Tourné entre janvier et juillet 1969(3), Husbands, plus qu'une simple histoire d'amitié masculine (il se serait sans doute intitulé "Friends"), paraît plutôt vouloir bousculer la permanence du modèle familial traditionnel. Outre la figuration du quatrième acolyte, les photographies qui servent d'introduction au film en offre d'ailleurs une présentation figée, purement circonstancielle. A l'absolu opposé du long vagabondage un peu délirant, parfois excessif, auquel vont se livrer ces atypiques représentants de la Middle class longislandaise. John Cassavetes bouleverse voire brise les cadres avec une cruauté et une tendresse à fleur de peau. Le cinéaste semble vouloir nous dire que, s'il existe une réelle liberté entre vie et mort, ce doit être celle de l'ego débridé, du je(u) insouciant(4). Il offre aussi à ses acteurs, principaux mais aussi secondaires, un formidable (effronté) exercice d'émancipation interprétative. Certes déroutant, Husbands constitue néanmoins une pièce indispensable à une bonne perception de la production cassavétésienne.
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1. sensiblement l'inverse au travers des quatre heures de métrages obtenus puis dans la version longue initiale, remaniée à la demande du distributeur. Le sous-titre est cependant resté "A comedy about life, death and freedom".
2. les libertés formelles et l'improvisation sont toutefois visuellement contredites par l'emploi du 35mm et, pour la première fois, de la couleur.
3. du jour précis de l'accession de Richard Nixon à la présidence et achevé peu avant les premiers pas d'un homme sur la Lune.
4. Harry ne qualifie-t-il pas ses compagnons de "children" qu'il mérite également ?

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