jeudi 16 décembre 2010

The Outlaw (le banni)


"... There isn't anything they wouldn't do for you... or to you."

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A l'image de cette réplique, l'ambiguïté caractérise ce second film (treize ans après Hell's Angels) réalisé par Howard Hughes. Ce western bizarre, aux nets accents de drame psychologique flirtant souvent avec la comédie, est resté dans la mémoire collective cinéphilique plutôt pour le scandale potentiel à l'origine de la longue suspension de sa sortie(1) que comme quatrième évocation filmique(2) consacrée au personnage en partie légendaire nommé Henry McCarty/Billy the Kid. Un film supposé viril, à la paternité initiale duelle, dont le vecteur de promotion mettait pourtant en avant de visibles arguments mamelus dignes d'une campagne publicitaire pour bustier(3). Série B (ou 36D !) parrainé par un très singulier producteur, The Outlaw constitue une pure curiosité, plus marquée encore lorsqu'il est replacé dans son contexte historique (le tournage débute en novembre 1940 au moment où s'étend le conflit en Europe) et cinématographique(4).
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Avisé de l'arrivée de Doc Holliday, Pat Garrett, shérif de Lincoln (New Mexico), se rend aussitôt au saloon pour le saluer. A la recherche de son cheval dérobé à Socorro, celui-là découvre à cette occasion la nouvelle fonction de son ami. Il ne tarde pas à retrouver son rouan détenu à présent par William Bonney alias Billy the Kid. Ce dernier réussit à assommer par surprise le représentant de l'ordre, repartant sur la monture sans être inquiété. Avec l'aide de Garrett, Holliday essaie une deuxième fois de récupérer son bien dans l'écurie mais y renonce et se range du côté de Bonney au grand désappointement du shérif, lequel les intime alors de quitter la ville avant la nuit. Après une partie de poker, Holliday fait une troisième et tout aussi vaine tentative pour reprendre le cheval, incitant son jeune adversaire malchanceux aux cartes à passer la nuit dans l'écurie. Bonney essuie bientôt les tirs d'une personne dissimulée par l'obscurité qu'il parvient à maîtriser. Il s'agit d'une jeune femme nommée Rio McDonald, la farouche sœur d'un individu qu'il a abattu et dont il abuse. Le lendemain, au moment de déjeuner en compagnie d'Holliday, Bonney est abordé par un inconnu lui confiant en privé vouloir tuer Garrett. En faisant mine de préparer la scène du crime, l'homme prend son interlocuteur pour cible mais succombe à sa très rapide riposte. Décidé à appréhender Bonney avec l'aide de trois adjoints, Garrett doit à nouveau faire face à Holliday. Il blesse sérieusement Bonney avant d'être soudainement désarmé le complice de celui-ci. Les deux hors-la-loi s'enfuient.
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Sans tenir lieu de navet de la décennie comme certains le prétendent (dans le genre, Last of the Wild Horses est imbattable), The Outlaw ne peut néanmoins dissimuler ses patentes faiblesses scénaristiques. Une gageure dans la mesure où Jules Furthman(5) en est l'auteur officiel, Ben Hecht et Howard Hawks, premier réalisateur du film, ayant de surcroît probablement contribué aux traitements primitifs. Erratique dans la narration, un peu mécanique dans la mise en scène, il perd même toute tenue dans la dernière partie, entre obtuse insinuation homosexuelle et ridicule accompli. L'évident contraste entre le jeu composé des expérimentés Thomas Mitchell et Walter Huston et celui, très simpliste, des deux débutants accentue d'ailleurs cette hétérogénéité conceptuelle. La spontanéité du Texan Jack Buetel, que l'on reverra ensuite dans Best of the Badmen aux côtés de Robert Ryan et Claire Trevor, ne dessert pas véritablement son interprétation. En revanche, la prestation de Jane Russell demeure ici essentiellement décorative. Celle que Bob Hope avait une fois présentée comme "The two and only Jane Russell" aura l'occasion de faire meilleure figure auprès de Robert Mitchum dans His Kind of Woman puis de connaître la gloire en tant que Dorothy Shaw du Gentlemen Prefer Blondes d'Hawks (tiens donc !) avec la blonde Marilyn Monroe pour partenaire. Au final, The Outlaw mérite davantage d'être vu pour ses paradoxes que pour des qualités... dont il ne se pare pas (à l'exception notoire de la photographie assurée par le talentueux Gregg Toland).
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1. achevé en 1941, il ne connut une diffusion limitée que deux ans plus tard en raison des libertés prises à l'égard du code Hays (Motion Picture Production Code) puis plus large et populaire en 1946.
2. précédé par Billy the Kid de King Vidor (avec Johnny Mack Brown dans le rôle-titre), Billy the Kid Returns (Roy Rogers) et la version de David Miller (Robert Taylor). D'autres acteurs ont ensuite interprété cet adepte du sombrero parmi lesquels Paul Newman, Marlon Brando, Geoffrey Deuel, Kris Kristofferson, Emilio Estevez et Val Kilmer.
3. aviateur et aéronaute, Hughes aurait conçu, pour les besoins du film, un soutien-gorge destiné à sublimer les atouts naturels de son actrice, ancienne réceptionniste chez un dentiste (amusante fortuité, John Henry Holliday était surnommé 'Doc' parce qu'il pratiquait cette médecine) recrutée au terme d'un vaste casting national fondé sur cet unique critère morphologique. Une démarche assez logique lorsqu'il s'agit d'élucubrer autour d'un Bonney !
4. Citizen Kane, The Maltese Falcon, Sergeant York, How Green Was My Valley ou encore Suspicion sont produits à la même époque.
5. oscarisé en 1936 pour Mutiny on the Bounty, scénariste des incontournables To Have and Have Not, The Big Sleep et Rio Bravo notamment.



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