"On peut renouveler son passeport, mais pas son corps."
Intriguant film que ce Naked Kiss, tourné dans la foulée de Shock Corridor. Fasciné par le changement d'identité ou de personnalité, Samuel Fuller opte pour une sorte de variante à cette problématique : changer d'existence. La société américaine "moderne et bien-pensante" (mais la réflexion peut s'appliquer à notre "vieille" Europe) permet-elle de refaire sa vie, en particulier lorsque l'on est une femme ?
Toujours à partir d'un scénario original, nous suivons la difficile
rédemption d'une ancienne prostituée qui, arrivée dans une petite ville,
devient une infirmière pour enfants handicapés modèle, aidant ses
collègues et appréciée de tous (ou presque). Sur ce parcours,
partiellement en forme de conte de fée, elle rencontre le riche héritier
des fondateurs de la ville avec lequel elle se découvre des affinités
électives et qui succombera, lui aussi, à son charme et sa beauté
intérieure. Mais ce futur époux se révélera ne pas être le compagnon
idéal et l'entraînera, une dernière fois, vers l'obscurité avant
l'ultime envolée de "l'ange".
Fuller nous prend à froid dès la séquence pré-générique avec une attaque au sac à main de Kelly
contre son souteneur. Ce qui "frappe", d'emblée, c'est sa
détermination, son honnêteté foncière et la dimension essentielle de
l'apparence. Chauve, car rasée par mesure de rétorsion, ce qui accentue
la déshumanisation du personnage et son cantonnement au rang d'objet, Kelly, pendant tout le générique, va prendre un soin attentif à se redonner un visage féminin séduisant, sa carte de visite professionnelle et son atout principal. Car, à peine débarquée à Grantville (deux ans plus tard, tout de même),
elle charme sans difficulté un officier de police qui n'imagine pas un
seul instant qu'une femme de son genre puisse être autre chose qu'une
tapineuse dans une "boîte de bonbons".
A
ce stade, on ne sait pas, sincèrement, où nous entraîne le film. Celle
qui n'est pas reconnue comme femme et encore moins comme mère, va mettre
sa séduction et sa tendresse au service de jeunes enfants handicapés,
les inciter à se dépasser et à trouver un équilibre. Puis elle empêche
deux de ses collègues à choisir la solution de facilité (l'une attirée par l'argent facile de la prostitution, l'autre par l'avortement)
lorsque la tentation est forte d'y succomber. Mais elle commettra
l'irréparable quand l'homme qu'elle aimait avoue ne s'être rapproché
d'elle qu'en raison de leur commune déviance (anormalité). Comme la preuve qu'une renaissance est impossible. L'image de soi pour soi et auprès des autres est un élément capital de Naked Kiss.
De quoi est-elle faite ? L'image la plus récente fait-elle vraiment
oublier celle que nous avons véhiculée ? La présence régulière de
miroirs atteste, symboliquement, cette ambition narrative, comme la
projection, qui n'est pas uniquement cinématographique, à un moment
crucial du film et jusqu'à cette scène de remords de Buff (la bien nommée),
le portrait de son père dans les bras. Enfin, comme un light motive, la
ponctuation opérée par des fillettes qui jouent, innocence et vérité
fragiles qui permettront, cependant, un dénouement heureux au film.
Il faut, enfin, souligner la performance de Constance Towers, déjà vue dans Shock Corridor, dont la beauté froide est sublimée par la caméra de Fuller.
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