"... Mais la nuit où le petit est né, il m'a tendu la main,
j'enfonçais mes ongles. Et lui il me disait : Mord-moi, griffe-moi, plus
tu me ferras du mal, et plus ce petit il sera mien."
Pourrions-nous imaginer ne pas donner de suite à Marius ? C'est exactement ce qu'ont pensé et exclu l'entourage et Marcel Pagnol lui-même qui se met au travail dès l'été 1931. Des modifications importantes, pour des raisons plus ou moins bonnes (cf critique DVD), touchent la troupe pour les représentations théâtrales : Fresnay et Raimu sont respectivement remplacés par Antonin Berval et Harry Baur et Alida Rouffe (Honorine),
souffrante, ne peut tenir son rôle. Le seul moyen de réunir l'équipe
originelle est de mettre en oeuvre, très vite, le tournage du film, qui
aura lieu pendant l'été 1932 dans les studios de Billancourt. C'est le
coproducteur, Robert Richebé, qui choisit Marc Allégret pour réaliser le film. Celui-ci s'accommode, en effet, assez bien du caractère colérique de Raimu qu'il a dirigé dans Mam'zelle Nitouche.
Fanny commence très précisément au moment où s'achève Marius. Celui-ci absent jusqu'à la dernière demi-heure, c'est le personnage d'Honoré Panisse, plus que César ou Fanny,
qui occupe la place laissée vacante. Il accepte d'épouser la jeune
femme, bien que la sachant enceinte de son amant, sauve l'honorabilité
de sa nouvelle compagne et, dans le même temps, comble sa frustration de
paternité. Au retour de Marius, après deux ans de voyage en mer, Fanny,
toujours amoureuse de lui, décide pourtant de ne pas renoncer son
mariage et de ne pas enlever son fils à sa famille "d'adoption".
Le thème du film n'est plus la passion, mais la pa(ma)ternité. Nous sommes passé de l'adolescence, symbolisée par Marius, à l'âge adulte, représenté par Fanny, de la déraison (le personnage de Piquoiseau a d'ailleurs disparu)
à la responsabilité. Le développement tend irrésistiblement vers sa
conclusion : la confrontation des deux pères et la "reconnaissance" de
paternité. Qui est le vrai père d'un enfant ? Son géniteur ou celui qui
l'élève, celui qui "lui donne" ? Et César répond à ces
questions par une métaphore : le poids de naissance d'un enfant n'est
augmenté que par l'amour qu'on lui porte. Et celui qui donne le plus est
son vrai parent. Et par un principe : l'enfant prime sur tout.
Comparée à Marius, l'éventuelle théâtralité de Fanny
est encore moins sensible. Le film s'affranchit, en effet, de l'unité
de temps et de lieu du précédent volet. Au point de perdre, peut-être,
son unité générale. Dès le début du film, nous sommes conviés à nous
rendre, en tramway, dans le cabanon d'Escartefigue sur les
hauteurs de Marseille. Le film est souvent parcouru par de courtes
scènes qui sont autant de rupture dans la narration sans pour autant
apporter de relief supplémentaire. Le charme est moins sensible, plus
diffus, il manque cette légèreté et cette tension dramatique qui
faisaient la force de Marius.
Les lieux ont un peu changé et la "modernité" fait son apparition :
automobile, téléphone... La mise en scène est également plus uniforme,
presque documentaire. De même, aux côtés des Charpin, Raimu et Demazis toujours excellents, la disparition, déjà évoquée, de Piquoiseau et le remplacement de Paul Dullac par un Auguste Mouriès un peu falot dans le rôle d'Escartefigue sont la marque d'une inspiration moins savante.
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