Pépé le Moko

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"... Et j'descendrai quand je voudrai..."

Même si les deux premiers films du cinéaste avec Michel Simon ont ma préférence, je ne peux contester la valeur de ce polar romanesque et son importance dans la carrière de Julien Duvivier. Le genre n'y sera pourtant jamais très représenté, mais ce deuxième essai, au croisement du mélodrame, constitue une indéniable réussite. Tiré du livre (quasiment invendu de 1931 à la sortie du film) d'Henri La Barthe sous le pseudonyme Roger d'Ashelbé, Pépé le Moko se plait à ancrer son exotisme pittoresque (de pacotille ?) dans une réalité décrite de façon documentaire. La police française tente vainement, depuis deux ans, de capturer le chef de gang Pépé le Moko, réfugié à la Casbah d'Alger et protégé par sa population. Une opération nocturne engagée à l'initiative d'un inspecteur parisien tourne au fiasco. Légèrement blessé pendant la fusillade, Pépé croise incidemment la séduisante Gabrielle 'Gaby' Gould, une parisienne entretenue par un riche homme d'affaires en déplacement touristique. Indicateur de la police, Régis utilise le jeune Pierrot pour essayer d'attirer son patron et ami hors du quartier. L'inspecteur Slimane, qui entretient avec Pépé des relations courtoises, voit en Gaby l'opportunité d'appréhender enfin l'invétéré homme à femmes.

Produit (sans mention) par les frères Robert et Raymond Hakim, Pépé le Moko n'a rien d'un polar conventionnel. Malgré ses discrets clins d'œil au film noir, l'adaptation signée par Duvivier avec l'auteur (crédité sous le nom de Détective Ashelbé), Jacques Constant et Henri Jeanson (sa première collaboration avec le réalisateur) relève plus surement du drame psychologique. Surtout dialogué, le scénario laisse très peu de place à l'action hormis l'infructueuse descente de police au début du métrage et l'élimination d'un indicateur. La lassitude d'un durable confinement, d'une compagne locale pourtant aimante et la nostalgie de Paris vont pousser le personnage-titre à se mettre en danger pour une femme, illusoire remède à ses contrariétés morales. Soutenue par l'intéressante photographie de Marc Fossard et Jules Kruger, la réalisation de Julien Duvivier se montre souvent inspirée. Celui-ci peut également compter sur une généreuse et solide distribution autour de Jean Gabin* dans l'un de ses premiers grands rôles. Mireille Balin**, Line Noro, Lucas Gridoux, Fernand Charpin, Marcel Dalio, Gabriel Gabrio et Saturnin Fabre tiennent les principaux personnages secondaires, la chanteuse Fréhel y apparaît dans une évocation biographique. Un authentique classique du cinéma français de l'entre-deux-guerre.

N.B. : Pépé le Moko a inspiré deux versions étasuniennes, Algiers (1938) produit par Walter Wanger et réalisé par John Cromwell (avec Charles Boyer, Hedy Lamarr et Sigrid Gurie) et Casbah (1948) de John Berry (avec Tony Martin, Yvonne De Carlo, Märta Torén et Peter Lorre) ainsi qu'une comédie parodique, Totò le mokò (1949) de Carlo Ludovico Bragaglia avec Totò dans le rôle-titre.
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*dans le cinquième de ses sept films dirigés par Duvivier.
**qui avait déjà croisé Gabin dans la comédie Adieu les beaux jours (1933) et auquel elle sera à nouveau associée pour le drame Gueule d'amour (1937) de Jean Grémillon.