"Toute vie qui ne se voue pas à un but déterminé est une erreur." (extrait de l'ouvrage de S. Zweig)
L'adaptation cinématographique d'une œuvre de Stefan Zweig
est une démarche ambitieuse et ardue. Ceux qui ont lu ses ouvrages
connaissent l'excessive sensibilité de l'auteur et la subtilité de ses
descriptions et portraits de ses personnages. Plusieurs tentatives ont
été faites avec plus ou moins de réussite. Le roman "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme"
est édité en 1934 alors que son auteur, à 53 ans, est à Londres pour y
poursuivre la préparation de sa biographie de Marie Stuart et que les
troupes allemandes entrent en Autriche. Cinq adaptations (allemande - 1931, argentine - 1944, britannique - 1952 avec Merle Oberon, américaine - 1961 pour la télévision, avec Ingrid Bergman et française - 1968 avec Danielle Darrieux) ont précédé le film signé par Laurent Bouhnik.
Cette
version, manifestement libre, s'autorise en effet d'ajouter un
personnage et, par voie de conséquence, un récit supplémentaire, situé
au début de notre XXIe siècle. Quelle plus-value apporte-t-il ? On peut
essayer de donner deux réponses à cette question. La première est,
apparemment, la volonté de projeter et d'ancrer dans la modernité les
histoires du roman. En supposant que le texte n'ait pas, lui-même, cette
contemporanéité, ce dont je doute, le danger est, pour toucher un
public jeune, a priori, peu attiré par les films en costumes, de
galvauder la force dramatique de l'oeuvre. La seconde, qui est un parti
pris de créateur, donc en soi défendable, est d'introduire une dimension
de renaissance, voire de résurrection, qui semble chère à Bouhnik. Celle du personnage qui ressemble tant à Zweig dans le film, Louis, le fils de Mme Henriette,
qui n'existe pas dans le livre. Il n'est pas certain qu'elle ne nuise
pas à la clarté et à la continuité de la narration, remarquablement
élaborée et fluide dans le roman.
L'aspect
formel du film est, à l'exception de certains détails que nous allons
évoquer, une réussite. Le réalisateur, qui en est à son quatrième
long-métrage après plusieurs "courts", est, de toute évidence, un
amoureux de l'esthétique, notamment classique. Avec son chef-opérateur,
Gilles Henry, il accorde à la photographie des costumes et des décors un
soin méticuleux remarquable. S'il n'y avait la beauté des quelques
scènes de nature, on friserait presque le maniérisme et la gravure de
mode. On peut être aussi être indisposé par des effets ostentatoires de
caméra ou de superposition d'images dont l'intérêt n'est pas flagrant.
En revanche, le choix de caractériser les différentes époques par des
tonalités de couleurs est une bonne idée : rouge et vert pour le début
du XXe siècle, écru pour les années 1930 et bleu vif pour l'époque
actuelle.
Frances Barber est solide dans le petit rôle qu'on lui a confié, celui de Betty la belle-soeur de Marie Collins Brown. Celle-ci est incarnée par une Agnès Jaoui d'une grande sincérité mais qui peine à être crédible dans le registre de la passion dévorante. Michel Serrault, qui prête son visage à Louis âgé, n'est pas aussi bon qu'à l'accoutumée, dans une composition à la fois heurtée et sans relief. Les arguments de Bérénice Bejo sont le naturel (troublé) et la plastique. Faute de temps et de profondeur du personnage (Olivia), elle ne parvient néanmoins pas à créer une complicité avec Serrault comme y sont parvenu d'autres jeunes actrices. Enfin, la musique originale de Michael Nyman est l'une de ses partitions les moins réussies qu'il m'ait été donné d'écouter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire