"Alors, viens voir. Tu vois, ici, c'est pas luxueux. C'est humide, y a pas de chauffage, mais c'est calme, mais alors un calme... C'est calme."
Voilà une réplique du film qui le définit à merveille. Le projet initial semble avoir été de faire une suite non assumée du Bon et les méchants et de créer un Bonnie & Clyde
moderne à la française en mettant en scène un couple encore inusité au
cinéma. Autant dire que nous avons affaire à une de ces fausses "bonnes-idées"
et que le résultat est déplorable. On ne croit pas une seconde à cette
rencontre entre le fils du chef du "gang des tractions avant" et cette
épouse-pharmacienne qui, à la suite d'une agression, se transforme en
maîtresse-chanteuse* et spécialiste, à corps non défendant, du constat
d'adultère. Et surtout, il ne se passe rien ou pas
grand chose. L'actrice principale apparaît à l'écran au bout de trente
minutes et le couple se rencontre après un quart d'heure supplémentaire.
De Paris à la Provence, de Marseille au Havre pour finalement débarquer
au Canada, on fait des kilomètres sur terre et sur mer mais le paysage
est dramatiquement morne.
Comment
Lelouch, qui, même s'il ne réussit pas toujours ses films, aime
habituellement les vraies histoires, a-t-il pu imaginer ce non-sens
cinématographique ? Panne d'inspiration ? Probablement, car les films
suivants sont, eux aussi, des œuvres plutôt en demie teinte. Le
réalisateur se cherche. Preuves supplémentaires : l'absence d'acteur de
sa bande, le changement de chef-opérateur après les longues
collaborations avec Jacques Lefrançois et Jean Collomb. Ce film sera, de
ce point de vue, le début d'une longue errance pour Lelouch jusqu'à aujourd'hui. Dans son seul film avec le réalisateur, Bernard Zitzermann, qui a mis en images le Molière d'Ariane Mnouchkine l'année précédente et qui participera à plusieurs films de Chabrol, s'éloigne de l'univers visuel habituel de Lelouch et expérimente avec plus ou moins de bonheur.
Quelle formidable idée de réunir Catherine Deneuve "la glace" et Jacques Dutronc "la désinvolture" ! Mais pas idéal pour réchauffer l'atmosphère.
Ils ont autant de points communs que la carpe et le lapin et le couple
ne fonctionne en effet pas. Leur passeport : avoir tourné un film (la même année) avec Lelouch et ne s'être jamais formé à l'écran. Vous connaissez ces discussions d'après tournage : "J'ai réellement apprécié de tourner avec toi. Ce serait bien si on faisait un autre film ensemble... On garde le contact." Et le contact, multiplié par deux, est un désastre, un télescopage incongru. Personne depuis n'a réessayé, sauf Nicole Garcia**, près de vingt ans plus tard, mais avec un vrai scénario (Dutronc est remarquable dans son film). Deneuve est pâlotte, peu inspirée mais un peu alcoolisée ; Dutronc fait du "Dutronc" même en chansons, sans enthousiasme particulier. La prestation de Jacques Villeret en vieux parrain est désolante. Dans la galerie d'artistes, citons Paul Préboist fidèle à lui-même et les présences de Daniel Auteuil, qui était encore dans sa période "comédiocre", Bernard Lecoq, Marc Jolivet, en propriétaire de voiture volée ou encore la première apparition au cinéma de Chiara Mastroianni alors âgée de 6 ans.
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*rassurez-vous, c'est dans le film d'Yves Robert de la même année que l'actrice chante. Et il faudra attendre encore un an pour l'entendre interpréter une chanson de Gainsbourg dans le film de Claude Berri, Je vous aime.
**Place Vendôme (1998)
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