Undercurrent (lame de fond)

"I think I was wrong Allan. I think he is my obsession."

Adapté du roman-feuilleton "You Were There" de Thelma Strabel(1), cette collaboration initiale (sur les sept) entre le producteur Pandro S. Berman(2) et Vincente Minnelli sort ce dernier des sentiers qu'il avait jusque-là battus. S'il a incidemment déjà réalisé un premier drame romantique, The Clock, l'ancien costumier et décorateur doit cette fois aborder le genre sous l'angle plus épineux du thriller psychologique (conjugal) dans lequel plusieurs de ses illustres confrères ont, au cours de cette décennie, manifesté leurs talents. Sans doute symptomatique de la difficulté pour Minnelli à diriger sous toutes ses facettes le scénario signé par Edward Chodorov, Undercurrent reste en-deçà de son potentiel narratif. Une impression d'ailleurs renforcée par le jeu souvent affecté de Katharine Hepburn dans son unique confrontation avec Robert Taylor (démobilisé de l'armée US engagée dans la Seconde Guerre mondiale) et face à un Robert Mitchum, longtemps invisible et contre-employé, qu'elle mésestimait ouvertement.

Célibataire endurcie, négligeant la cour insistante du prof. Joseph Bangs, Ann tombe immédiatement sous le charme du riche industriel Alan Garroway, inventeur du téléguidage et nouvel acquéreur des droits de production du tétradyte, le composé chimique élaboré par le père de la jeune femme, le prof. David 'Dink' Hamilton. Aussitôt les noces célébrées, le couple Garroway s'envole pour Washington où la peu mondaine Ann est présentée aux nombreuses relations de son célèbre époux. Celui-ci la rassure sur sa capacité à devenir une parfaite Mrs Garroway et lui offre de luxueuses toilettes. Au cours d'un essayage, Ann apprend par une voisine et vieille amie de la famille l'existence de Michael, le frère cadet d'Alan. Contrarié, ce dernier essaie de justifier son silence par l'animosité qui les a opposé depuis l'enfance jusqu'à leur définitive rupture et la disparition de Mike. Quelques jours plus tard, un libraire chez lequel Ann est allée acquérir une estampe lui remet par erreur une anthologie de poésie anglaise confiée en réparation par Michael.

Pourquoi le cacher, Undercurrent ne parvient pas dissimuler longtemps le visible faible d'intérêt de Vincente Minnelli pour ce récit aux tonalités parfois surréelles. Au milieu des cukorien Gaslight, hitchcockiens Rebecca et Suspicion, languien Secret Beyond the Door et ophülsien Caught, à la fois proches et très dissemblables, ce drame triangulaire (tendance Bermudes !) détonne singulièrement. Le réalisateur ne semble prendre de véritable plaisir ré-recréatif que lors des scènes de comédie légère ou d'illustration de la société bourgeoise ; le reste du métrage paraissant au contraire un peu laborieux, inauthentique et posé. Sur ces bases, la prestation des interprètes principaux ne peut que décevoir également, un sentiment à peine contrarié par les brèves apparitions d'Edmund Gwenn (bientôt récompensé pour son second rôle dans Miracle on 34th Street), de Jayne Meadows, la première de la comédienne au cinéma ou encore de Marjorie Main.

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1. auteur des ouvrages dont sont tirés Reap the Wild Wind et The Forest Rangers.

2. souvent comparé à son homologue Irving Thalberg de la MGM (studio qu'il rejoindra en 1940) lorsqu'il était un jeune cadre auprès de David O. Selznick au sein de la R.K.O. dont il prendra fin 1937 la vice-présidence après avoir formé le couple Ginger Rogers-Fred Astaire à l'écran et promu Katharine Hepburn au rang de vedette. The Gay Divorcee, Swing Time, Stage Door et The Hunchback of Notre Dame ont notamment été développés sous son autorité.