lundi 19 septembre 2011

Il Cappotto (le manteau)


"... Donna donna, tu mi farà morire."

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Première des trois adaptations réalisées par Alberto Lattuada au cours de cette décennie, Il Cappotto reste encore aujourd'hui l'un de ses tout meilleurs films. Transposition pavesane (inavouée) de la nouvelle fantastique* signée par l'auteur russe Nicolas Vassiliévitch Gogol, cette production offrait au cinéaste milanais l'opportunité d'explorer fugitivement une piste narrative singulière, en particulier après le prestigieux mélodrame qu'il venait de diriger pour Dino De Laurentiis et Carlo Ponti. Le scénario co-écrit avec Giorgio Prosperi et Cesare Zavattini notamment n'abandonne d'ailleurs pas pour autant les préoccupations socio-morales de ses précédents films. Il Cappotto permettait aussi à Renato Rascel (futur interprète du rôle-titre de la comédie Policarpo, ufficiale di scrittura) de se distinguer.
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Modeste fonctionnaire municipal, Carmine De Carmine est appelé à remplacer au pied levé le greffier décédé pour accompagner le maire sur un prometteur site de fouilles archéologiques. L'ambitieux et couteux projet de rénovation urbaine promu par l'édile reçoit peu après l'approbation du conseil au cours duquel la transcription très approximative de Carmine est mise en évidence. Admonesté par le secrétaire général également pour la négligence de sa tenue vestimentaire (en plein hiver, son manteau à l'usure avancée a été accidentellement troué le matin même par l'un de ses collègues), l'employé est invité à présenter ses excuses au maire. Carmine pénètre dans le bureau pendant une conversation téléphonique du magistrat avec sa maîtresse. De retour chez lui, il est pris à parti par sa logeuse et les autres locataires en raison du nouvel impôt prélevé par la municipalité. Carmine ne trouve un semblant de réconfort que dans la discrète observation de la belle jeune femme résidant en face. Absorbé par le spectacle, il dégrade un peu plus le manteau qu'il souhaitait rapiécer. Consulté, son tailleur lui suggère de le remplacer ; Carmine n'en a hélas pas les moyens. Mais lorsque son élégante voisine lui fait par erreur l'aumône, il décide dans une essoufflée urgence d'acquérir malgré tout un pardessus neuf.
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Avec cette fable sans concession où décideurs et employés communaux en prennent gentiment pour leur grade, Alberto Lattuada œuvre assez volontiers dans le sillon des Miracolo a Milano ou Umberto D. de Vittorio De Sica. Le burlesque, à la frange duquel se situait le récit obsessionnel, presque caricatural de Gogol, prend en outre ici le pas sur la tonalité surnaturelle et angoissante. Satire du dérèglement, Il Cappotto fait néanmoins preuve d'une intrication dramatique plus affirmée, elle-même mise en relief par un soin visuel (décors, photographie, mise en scène) très significatif, remarquable lors des deux importantes séquences de poursuites. Aux côtés du Turinois Renato Rascel, convaincant dans ce registre complexe mêlant naïveté infantile et absolue détresse, c'est surtout le Romain Giulio Calì (déjà titulaire de second rôle dans Il Mulino del Po et Luci del varietà) qui émerge de cette contrastée galerie de personnages un peu fantomatiques.
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*issue de la réputée série pétersbourgeoise écrite au milieu des années 1930.

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