"What other choice do we have?"
Difficile de débusquer du renouvellement dans le sous-genre survival ? Sans remonter à Night of the Living Dead, à Delivrance (modèle absolu et inégalé) ou à son odieux antipode The Last House on the Left, échapper au "meurtre organisé" est en effet devenu un des sujets les plus prisés par les jeunes scénaristes. Et les séries Saw et Hostel ont significativement participé au développement du phénomène, lui-même amplifié par la mode du remake horrifique. Le principe selon lequel quantité et quantité ne vont pas forcément de pair se vérifiant une nouvelle fois, cette nouvelle vague bouchère a souvent mit sur les étals des produits stéréotypés, sans grande originalité ou, pour le dire autrement, aisément oubliables. Sans nécessairement déchaîner l'enthousiasme, certains sortent du lot. Tel est le cas de ce second long métrage du méconnu Steven Hentges.
Deux femmes, Jordan et Anna, ainsi que trois hommes, Grant, Alex et Luke dont le nez a été brisé, sortent de l'inconscience dans un très obscur souterrain. Une fois l'effroi initial et la crainte réciproque un peu calmés, le groupe essaie de trouver des repères et, en vain, une improbable issue. Le deuxième jour, l'individu à l'origine de leur captivité, qui les observe à l'aide d'un système de surveillance et de gestion sophistiqué, déclenche l'éclairage. Une étrange horloge pourvue de trente graduations entame son comptage quotidien. Derrière une porte d'abord close, ils découvrent quatre barils d'eau au fond d'un puits profond d'environ une dizaine de mètres. La plupart perd rapidement espoir d'être secouru, l'hostilité et l'individualisme de certains reprennent le dessus. Le troisième jour, Grant commence à desseller une brique d'un muret au moyen d'un gobelet déformé. Jordan tente de trouver un éventuel point commun et les motivations de leur ravisseur. Tous sont solitaires ; seuls trois d'entre eux ont commis, pour des raisons différentes, un homicide. Le quatrième jour, un scalpel destiné à la dissection humaine a été déposé sur un des futs. Une étiquette jointe rappelle que l'homme ne peut pas vivre plus de trente jours sans nourriture.
Depuis l'antique Plaute, nous avons appris que "l'homme est un loup pour l'homme."(1) L'histoire, au singulier majuscule ou au pluriel, l'a mainte fois attesté. Au cinéma, The Most Dangerous Game l'avait d'une certaine manière traduit (métaphoriquement ?). D'insensé (psychopathe, dégénéré), le meurtrier du survival a récemment muté vers une forme plus élaborée, rationnelle (sic) et technologique. A l'image, par exemple, du John Doe du remarquable Se7en puis du jigsaw killer de la série australo-étasunienne précédemment mentionnée(2). L'actuel unique scénario de l'obscur L.D. Goffigan s'inscrit dans cette veine là. Hunger ne peut pas être raisonnablement rangé parmi ces slashers décérébrés, dont la seule vocation consiste à titiller des zones extrêmement circonscrites de l'encéphale et/ou à remuer les tripes. Il se situe plutôt à l'opposé thématique d'un Cube, autre thriller psychologique claustrophobe et manipulateur, qui avait à l'époque marqué les esprits. Derrière cette froide, cruelle expérimentation de l'anthropophagie ni rituelle ou criminelle(3) mais de survie(4), destinée à valider, a posteriori, celle de son initiateur, le film de Steven Hentges soulève la problématique de l'humanité et des résistances à la sauvagerie. Les saisissants entrée en matières et contre-emploi pour l'habituellement pulpeuse Lori Heuring, aperçue dans Mulholland Dr. (et dans le détestable Prom Night où apparaissait également Linden Ashby) et le surprenant travail sur la bande-son sont enfin à souligner.
___
1. "homo homini lupus" in "Asinaria" (la comédie des ânes), repris plusieurs fois notamment par le philosophe Thomas Hobbes ("De Cive"). Les canidés, récurrents objets de peurs, fantasmes collectifs voire de mythes, ne s'entre-dévorent cependant pas !
2. ou des organisateurs du Paintball de l'Espagnol Daniel Benmayor.
3. cf. The Hills Have Eyes, Wrong Turn, 2001 Maniacs, Sweeney Todd ou encore Frontière(s).
4. dramatiquement illustrée dans la Russie post-révolutionnaire ou par les rugbymen uruguayens du vol 571 (1972).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire