"Nous n'avons pas de champagne."
Le cinéma israélien actuel fait montre d'une vivacité qualitative assez étonnante. Parmi la vingtaine de productions annuelles, rares sont celles qui, contrairement à d'autres historiques et prestigieuses industries, ne présentent qu'un intérêt très mineur. Les successives sélections du festival de Paris qui lui est consacré peuvent d'ailleurs si nécessaire l'attester. Sans avoir été le film le plus en vue de la relevée 10e édition(1) de cette manifestation, 'Hamesh Shaot me'Pariz (חמש שעות מפריז) constitue sans doute un des plus plaisants et émouvants drames psycho-sentimentaux récents, toutes nationalités confondues. Présenté en première à Toronto en septembre 2009, ce premier long métrage pour le cinéma du natif russe Leonid Prudovsky et de son co-scénariste Erez Kav-El mérite largement d'élargir l'audience reçue en salles françaises(2).
Arrivé en retard à un rendez-vous avec l'enseignante de musique de son fils Assaf, Yigal Yaakobi y rencontre brièvement celle-ci. Parce qu'il lui a fait rater son bus en oubliant ses clefs dans la salle de classe, le chauffeur de taxi offre à Lina de la raccompagner chez elle. Le père divorcé se découvre assez vite des affinités, d'abord musicales, avec la jeune femme d'origine russe qu'il croit abandonnée par son mari. Celui-ci, nommé Gregory 'Grisha', se trouve en réalité au Canada où il espère émigrer avec Lina. La première tentative d'Yigal de surmonter sa phobie de l'avion, pour laquelle il consulte le psychologue Sergio, s'avère un échec. Par hasard, Yigal prend un peu plus tard à bord de son véhicule Lina accompagnée par ses amis Galya, Tolya et leur fille Natali, camarade d'Assaf au sein de la chorale d'élèves qu'elle anime et sur le point de passer un concours de piano. Yigal envisage d'abandonner son métier en créant une société de transport touristique avec Gershon, le compagnon de son ex-épouse Sima. Pour son second vol, il propose à Lina d'embarquer avec lui dans le petit monomoteur loué par Sergio.
Promu par Haim Mecklberg (co-producteur du tout récent Shlichuto Shel Hamemune Al Mashabei Enosh), 'Hamesh Shaot me'Pariz séduit d'abord par l'intelligente simplicité de son scénario en trois parties. Pas de tortueux développements ou de vaine démonstration, juste la représentation adroite et sensible de la difficulté à infléchir le cours de l'existence, à conjuguer d'éprouvées solitudes. Les quelques intrigues secondaires apportent un matériau narratif complémentaire utile à l'approfondissement des personnages. Potentiellement ailleurs, comme le souligne judicieusement le titre, ceux-ci semblent avoir renoncé au bonheur véritable et durable, prisonniers consentants de leur phobie, leur échec, réfugiés d'une certaine manière dans un lénifiant romantisme de chansons d'amour. Remarquable acteur vu précédemment dans Aviva Ahuvati ou Meduzot, Dror Keren donne de jolies nuances à cet aimable et crédule individu, finalement peu "magnifié", face aux indécisions plus étourdissantes que slaves de la concertiste manquée interprétée par la comédienne Helena Yaralova (Kedma). Les indéniables qualités de ce premier long nous font presque regretter... d'être à cinq heures de vol de Tel Aviv !
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1. au cours de laquelle ont été notamment projetés Ajami et La Mère de Valentina à l'affiche prochainement.
2. seulement 25 421 spectateurs !
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