"Les pierres elles-mêmes se soulèveront."
Tourné sept ans après le film de sa "Palme d'or" à Cannes (1958), Quand passent les cigognes et avant-dernière œuvre du réalisateur, Soy Cuba
a connu d'innombrables péripéties dont une interdiction sur le
territoire américain et le déni des Cubains. Il n'a dû sa redécouverte
en 1992, soit bien après le décès de son auteur, que grâce à
l'intervention de cinéphiles comme Coppola et Scorsese.
L'idée initiale était de célébrer le rapprochement entre Cuba et l'U.R.S.S. Pour cela, Mikhail Kalatozov (également appelé Mikheil Kalatozishvili)
fait appel à deux écrivains : le poète russe Yevgeny Yevtushenko et le
journaliste cubain Enrique Pineda Barnet. Le film montre, après les
derniers mois de la dictature Batista, les premiers pas de l'île dans la
révolution et son (supposé) idéal communiste.
Le
film est composé, comme l'on dirait en terme musical, en quatre
mouvements : des filles vendent leur corps à de riches Américains ; l'un
de ceux-ci accompagne sa conquête jusque dans son taudis et doit fuir,
au matin, devant le fiancé qui ignore tout des activités nocturnes de sa
compagne. Un paysan métayer met le feu à son champ de cannes à sucre
pour lequel il se tue à la tâche lorsque son propriétaire lui annonce la
vente du patrimoine à des américains. Un jeune étudiant, opposant au
régime Batista, est tué au cours d'une manifestation. Dans la Sierra
Maestra bombardée par l'aviation, le père d'une famille pauvre rejoint
les partisans de Fidel Castro.
La photographie de Sergei Urusevsky en noir & blanc est de toute beauté pendant qu'Mikhail Kalatozov choisit de privilégier les gros plans. Ne serait-ce que pour sa qualité esthétique, Soy Cuba
mérite d'être vu, de même que pour sa dimension sociologique qui
l'emporte sur le discours propagandiste. C'est un splendide cinéma qui
est proposé là, plus proche de l'art que du politique. Saluons au
passage le travail de mk2 qui, encore une fois, nous permet de sortir un
peu (trop peu) du conventionnel ambiant.
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