"Mon Dieu, donne moi la force d'accepter ce que je ne peux pas changer."
Le cinquième film de Roger Michell
joue singulièrement sur les oppositions en confrontant un pauvre bougre
ancien alcoolique sur le point de perdre sa famille à un jeune et
brillant avocat d'affaires déterminé. Le thème, développé il y a plus de
quinze ans par Barry Levinson dans Tin Men,
s'apparente à un engrenage, une escalade de rétorsions un peu puériles
entre deux adultes à partir d'un événement bénin aux répercussions
sérieuses. Parce que l'un des protagonistes ne peut rendre à l'autre ce
qu'il lui a pris : du temps. Et sans que l'on sache vraiment si, sans
cet inc(acc)ident, le cours des choses aurait finalement été
différent. Néanmoins, il est le déclencheur, chez eux, d'une prise de
conscience de ce qu'est leur propre existence. De ce point de vue, on
pense volontiers à L'Arrangement de Kazan mais sans que Changing Lanes en ait la noirceur et la profondeur. Réflexion un peu artificielle sur le sens de la vie (la question est posée dans le film)
et manichéenne entre le vrai et le faux, l'intransigeance et le
compromis, la sincérité et la duplicité, le bien et le mal. Avec, en
toile de fond, le sacré (le film est "truffé" d'allusions religieuses) et le profane, l'ordre et le chaos.
Un
parti pris théâtral et esthétique caractérise la mise en scène : quasi
unité de lieu et de temps, pluviosité, effets de transparence, lenteur
et accélération du rythme (le film est plus bavard qu'en mouvement), montage entrelacé (parfois avec talent lorsque cela apporte un supplément dramatique).
Il n'en demeure pas moins que l'intrigue a du mal à s'installer en
raison principalement d'un certain maniérisme dans le développement
narratif qui retarde la compréhension des enjeux véritables du film. La
musique de David Arnold (un compositeur déjà entendu dans des James Bond ou le récent 2 fast 2 furious)
essentiellement interprétée au synthétiseur, parvient, en revanche, à
bien mettre en relief certaines des atmosphères et tensions du film.
L'interprétation de Ben Affleck
est plutôt moyenne. L'acteur a du mal à prendre un air soucieux qui ne
prête pas à rire. Il ne parvient pas à donner à son personnage une
vérité et une intensité qui puissent lui permettre de tenir la
comparaison avec son "opposant", Samuel L. Jackson.
Celui-ci est, en effet, comme le plus souvent, excellent ici dans ses
alternances de placidité et de violence sourde. Mention spéciale pour
l'excellent William Hurt qui apparaît dans trois scènes, la dernière étant la plus belle du film. Il faut également noter la prestation de Sydney Pollack et celle, brève mais intéressante, de Dylan Baker. Parmi les femmes, peu présentes à l'écran à l'exception d'une Toni Collette transparente, seule Kim Staunton mérite d'être mentionnée.
Au final, un sentiment de déception l'emporte malgré les quelques bons éléments du film. (Sorti sur les écrans en France en novembre dernier, Dérapages incontrôlés
n'a pu éviter la sortie de route dès sa troisième semaine
d'exploitation, pourtant ambitieuse. Il n'a attiré qu'un peu plus de 250
000 spectateurs. Il n'est pas certain que le DVD lui sauve la mise).
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