"A force de chercher un coupable, on le fabrique."
Formidable film construit sur un scénario original, Deux hommes dans la ville
est une charge contre la peine de mort et un sombre constat sur
l'incapacité de la République à accorder une seconde chance à celui qui a
commis une erreur. Mais c'est aussi, tout simplement, l'histoire
tragique d'un homme.
Quatre ans après son Clan des siciliens, José Giovanni réunit à nouveau le couple, ici "bougrement" efficace, Gabin/Delon dans un film produit par ce dernier. Il fait appel également à une flopée de têtes connues, à commencer par l'ébouriffant Michel Bouquet en hyène policière implacable, Bernard Giraudeau qui joue le fils de l'éducateur Cazeneuve, la présentatrice Christine Fabréga, son épouse, Victor Lanoux et Gérard Depardieu deux malfrats, Robert Castel...
On pourrait dire, d'une certaine manière, que nous sommes tous des Gino Strabliggi en puissance et qu'il suffit d'un presque-rien
pour qu'une existence simple vire au drame. Ce qui est frappant, c'est
de voir progressivement la vie échapper littéralement au personnage
central du film. Un concours de circonstances : un deuil qui pousse à
redémarrer ailleurs, le hasard qui vous met en présence de personnages
nuisibles, volontairement ou involontairement, le sentiment d'injustice
dans la justice.
L'interprétation d'Alain Delon
est l'une des plus équilibrées et assurées de sa carrière. Il compose
un être à la fois dur et fragile, déterminé mais qui perd pied malgré
lui. On ne dira jamais assez l'importance des regards dans ce film. Delon y déploie une "palette" variée et sensible. Jean Gabin, à son habitude, apporte une plus-value considérable à l'intérêt du film.
Narrateur
et principal témoin du drame, il replace systématiquement les pseudo
vérités dans leur vraie contradiction et incarne, avec le patron de
l'imprimerie qui emploie Gino Strabliggi, l'humanité dans un
paysage affreusement mécanique et froid. Il faut avoir vu les deux
scènes quasiment muettes dans lesquelles les deux acteurs échangent
essentiellement des regards, celle du parloir et celle de l'exécution.
Dans cette dernière, Gino Strabliggi glisse à Germain Cazeneuve un simple "- J'ai peur" poignant, comme celui d'un fils à son père.
Un dernier mot sur la musique originale de Philippe Sarde, à la fois désuète et parfaitement adaptée au film ; ritournelle légère et triste... comme le destin.
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