"Down the river of dreams."
Troisième et assurément le plus connu des six longs métrages du Londonien James Ernest Elder Wills(1), Song of Freedom(2) doit une grande partie de sa notoriété à la présence du chanteur-acteur et athlète afro-étasunien Paul Robeson. Le comédien et activiste du Mouvement des droits civiques avait tenu, trois ans plus tôt, son premier grand rôle au cinéma, celui du personnage-titre de The Emperor Jones interprété auparavant au théâtre par Charles Sidney Gilpin. Premier acteur d'origine africaine à exprimer la dignité et la fierté de son patrimoine racial, Robeson influença significativement l'adaptation du récit initialement intitulé "The Kingdom of Zinga", unique scénario signé par Dorothy Holloway et Claude Wallace. Quarante ans avant le bien plus célèbre et dramatique Roots d'Alex Haley, Song of Freedom constitue une évocation lyrico-romanesque dédiée à la persistance des origines, à la transmission mais aussi à l'intégration sociale.
Ile de Casanga (côte occidentale de l'Afrique) en 1700. Encore préservée de la traite négrière, le petit royaume vit sous le joug despotique de la reine Zinga. A l'occasion de l'exécution de l'un des prétendus adversaires de la souveraine, le fils de celle-ci et sa compagne décident de s'enfuir, échappant in extremis aux guerriers grâce à une pirogue. Sur le rivage où il arrive bientôt, le couple obtient d'embarquer à bord d'un trois-mâts dans les cales duquel ont été conduits puis enchainés des dizaines d'indigènes destinés à l'esclavage. Londres, 1838. Débardeurs sur les docks, Bert Puddick, Monty et John 'Johnny' Zinga, à la puissante voix de basse, ont l'habitude de prendre une bière dans une taverne avant de rentrer chez eux. Au bar, la lamentation d'un matelot en partance pour l'Afrique réveille la confuse nostalgie de Zinga à l'égard de ce vaste continent. Le colosse noir rêve de découvrir le territoire de ses ancêtres et d'y emmener son épouse Ruth. Un peu plus tôt, quittant le port à bord de sa luxueuse automobile, le compositeur d'opéra Gabriel Donozetti, ébloui par l'un des chants de Zinga, souhaite aussitôt rencontrer celui-ci. Mais il en est empêché, en raison de leur retard, par son assistante Marian. Le lendemain soir, Donozetti et son répétiteur Blane se mettent à la recherche du méconnu stentor.
Malgré son approximative relation initiale et les quelques extérieurs tournés au Sierra Leone, Song of Freedom ne possède aucune véritable ambition historique et/ou documentaire. Pure comédie dramatico-musicale produite dans les studios anglais de Beaconsfield, le film de J. Elder Will évoque de façon parfois naïve (ou idéaliste) la réminiscence subjective de l'héritage en partie lié à l'esclavage puis la faciale confrontation, in situ, de la coutume ancestrale avec la civilisation moderne. Outre les séquences chantées, l'aspect sans doute le plus intéressant reste l'illustration de la pérennité d'une certaine forme de soumission auto(ritaire)cratique. Le succès relatif de Song of Freedom incita Wills à produire peu après pour le même studio Big Fella réunissant une seconde fois Paul Robeson et la comédienne-chanteuse Elisabeth Welch ici dans son premier rôle au cinéma.
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1. co-scénariste de Against the Wind, décorateur de The Quatermass Xperiment.
2. troisième et ultime film produit par Will Hammer (fondateur du célèbre studio britannique) ; en revanche, sans lien avec la compilation posthume (1992) de chansons de Bob Marley and The Wailers.
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