"Quelle fierté à être samouraï ?"
Curieuse coïncidence qui veut que cette analyse soit rédigée alors que The Last Samurai occupe l'actualité cinématographique outre-Atlantique. Mais nous y reviendrons.
Hideo Gosha
n'est pas un réalisateur connu du grand public... voire de la plupart
des cinéphiles. Il signe, pourtant, dès son premier film, Sanbiki no samurai, en 1964, un intéressant ken-geki (film de sabre), venant après les Yojimbo et Tsubaki Sanjûrô d'Akira Kurosawa. Les trois films mettent Tatsuya Nakadai en vedette dans le rôle d'un samouraï. Goyokin est le premier film japonais a être tourné en Panavision. Il devait même être exploité en 70mm mais, pour des raisons techniques, son format fut limité au 35mm.
L'action
du film se situe dans les années 1830. Le Shogun des Tokugawa gouverne
le Japon. Il tire l'essentiel de ses ressources des mines d'or de l'île
de Sado. Les lingots sont transportés par bateau, au cours d'un voyage
périlleux en raison de la topographie des rivages approchés et de la
violence de la mer. Il longe notamment la province d'Echizen, territoire
des Sabai. Confrontés à des difficultés financières, Tatewaki Rokugo ,
le chef des Sabai, profite du naufrage d'un de ces navires sur les
récifs de ses côtes pour mettre la main sur l'or récupéré par les
pêcheurs du village voisin. Il doit, de plus, faire disparaître ces
derniers, témoins de son forfait. Magobei Wakizaka, son beau-frère, hostile à ce massacre, se sépare de son clan. Trois ans plus tard, devenu maître d'arme de foire à Edo (Tokyo),
culpabilisé par son immobilisme pendant ce crime, il s'apprête à
renoncer à son statut de samouraï lorsqu'il apprend qu'une seconde
tuerie va avoir lieu, cette fois après avoir délibérément provoqué le
naufrage du bateau impérial. Magobei va s'efforcer d'empêcher cette nouvelle action, appuyé par un espion du Shogun.
Goyokin sort sur les écrans aux Japon en 1969, un an après... C'era una volta il West de Sergio Leone.
Pourquoi cette, apparente, étrange association ? Parce que le film
ressemble beaucoup à un western européen de ces années là. Dans
l'esthétique plus que dans la psychologie, avec une thématique qui
pourrait parfaitement prendre place dans les plaines désertiques (ici, enneigées)
de l'Ouest américain. On y trouve également cet humour un peu loufoque,
qui tranche avec la trame dramatique, souvent utilisé dans le western
italien et ces gros plans qui ont caractérisé le cinéma de Leone.
Jusque dans la musique aux intonations singulièrement occidentales,
tendance mexicaine, tout en restant japonaise. On le sait, les liens
entre le Japon et l'Europe, dans le domaine du cinéma, sont multiples.
Sans trop s'étendre, on connaît par exemple, l'affection du public
japonais pour le western, et celui venant du vieux continent en
particulier (au point que certains films italiens sont sortis au pays du soleil levant... et restent inédits en France !) et l'apport, non officiel, de Kurosawa au scénario de Per un pugno di dollari. On se souvient de l'emploi d'acteurs asiatiques (Toshirô Mifune, qui avait commencé le tournage de Goyokin avant de l'abandoner, ou Chen Lee, entre autres) dans les westerns européens des années 1970. Tatsuya Nakadai, qui incarne ici très efficacement le samouraï Magobei, avait joué, l'année précédente, dans Oggi a me... domani a te! de l'italien Tonino Cervi, interprétant le personnage de James Elfego, le bandit et tueur fou à la machette imaginé par Dario Argento.
Goyokin
est visuellement plutôt réussi. Sobre, sans les envolées câblées du
cinéma de Hong Kong, il propose une vision pessimiste sur la pérennité
des valeurs traditionnelles du Japon, avec une superbe séquence finale
dans la plaine enneigée et battue par les vents, sorte de linceul d'une
époque qui allait bientôt se refermer. Un film à découvrir... précieux préalable à la vision d'un Last Samourai.
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