"Le sabre est l'âme. L'étude du sabre, c'est l'étude de l'âme. Ame perverse, sabre pervers."
La carrière cinématographique de Kihachi Okamoto
débute en 1947, juste après la guerre à laquelle il a, contrairement à
beaucoup de sa génération, survécu. Il est alors assistant-réalisateur
pour les studios Toho. Son premier film en tant que
réalisateur, il le tourne en 1958. C'est, contre toute attente, une
comédie. Il récidivera d'ailleurs plusieurs fois dans ce genre. Il est
également connu pour ses films de gangsters ou de guerre. Dai-bosatsu tôge, son dix-neuvième film, est tiré d'un roman fleuve (trente volumes écrits entre 1913 et 1930) homonyme (trad. le passage du grand bouddha) de Kaizan Nakazato. L'œuvre avait déjà fait l'objet d'une première adaptation au cinéma en 1959 par Tomu Uchida. Le script est confié à Shinobu Hashimoto, le scénariste d'Akira Kurosawa (Rashômon, Shichinin no samurai...).
Ryunosuke Tsukue (Tatsuya Nakadai) est un jeune samouraï doté d'une technique particulière (la garde silencieuse)
qui en fait un sabreur imbattable. Malgré les recommandations de son
père et maître, il refuse de perdre un duel contre un disciple d'une
école concurrente, Bunnojo Utsuki. Celui-ci est tué pendant le
bref combat. Attaqué par les condisciples de sa victime, il les défait
tous. Devenu, sous un autre nom, mercenaire à Edo pour le compte du
groupe Shincho, des nostalgiques du Shogun, il participe à l'élimination
d'hommes du pouvoir. Il affronte aussi, par goût du défi, de jeunes
samouraïs parmi lesquels Hyoma Utsuki (Yuzo Kayama),
le frère de son adversaire malheureux, lequel est décidé à le venger.
Le groupe de Shincho organise un assassinat qui, s'étant trompé de
cible, tourne au massacre. Il est décimé par le maître de Hyoma, Toranosuke Shimada (Toshirô Mifune), qui révèle la vraie nature de Ryunosuke. Poursuivi par ses démons, ce dernier mourra au cours d'un combat effroyable.
Dai-bosatsu tôge
est un film énigmatique d'une profonde noirceur. Le personnage
principal semble possédé par un esprit malin, dépourvu de tout
sentiment. Son exécution d'un vieillard dans la toute première scène du
film n'a aucune justification, et rien, par la suite de viendra
l'expliquer. Ryunosuke est un être sans repère, sans valeur,
n'hésitant pas à tuer froidement sa compagne et la mère de son fils. Il
est un ange de la mort, solitaire, froid, violent et redoutable. Avec ce
film de Chambara (film de sabre), Okamoto
donne une image très sombre du Japon de la fin du XIXe siècle. L'image
héroïque traditionnelle du samouraï est ébranlée, dans la continuité de
ce qu'avait déjà entrepris avant lui Kurosawa. Mais le plus jeune des deux metteurs en scène ajoute une dimension pathétique (au sens étymologique du terme), presque fantastique, qui donne à son film une intensité particulière.
L'interprétation de Tatsuya Nakadai
est, tout bonnement, insensée. L'acteur donne à son personnage une
force tragique incroyable. Les transformations qui s'opèrent en lui se
manifestent de manière si visuelle à l'écran que l'on a l'impression
qu'il ne s'agit pas du même individu. Toshirô Mifune
n'apparaît que dans quelques scènes mais il y est très convaincant. Les
personnages féminins, enfin, sont d'une importance capitale, en
particulier Ohama jouée par une Michiyo Aratama remarquable.
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