"Et dans la mort de tout être, si infime soit-il, il y a toujours une nouvelle vie, un nouveau commencement."
Alien 3
est souvent considéré comme un opus mineur dans la série. Pour ma part,
je le tiens dans une estime comparable à celle que j'ai pour Aliens de James Cameron,... voire, au risque de déranger certains (et par goût de la provocation), en meilleure position que celui-ci. Le baroque, assumé ou inconscient, de David Fincher
me semble apporter une dimension supplémentaire à son film,
caractéristique stylistique qu'il emploiera et développera avec talent
dans Se7en. Il permet, en particulier, un télescopage temporel du meilleur effet.
Les amateurs de la série se souviennent de la fin, pleine d'espoir, d'Aliens. Fincher
et ses scénaristes décident d'enchaîner, sans transition ni délai, avec
leur propre film. Mais en lui donnant une coloration beaucoup moins
optimiste. Un incident survient donc pendant le voyage de retour de Ripley et de ses passagers plongés en hypersommeil ; une capsule de survie les fait atterrir sur la planète Fiorina "Fury" 161
qui abrite une raffinerie de minerais et un pénitencier de haute
sécurité pour détenus à chromosome double Y. Seule rescapée du vaisseau
et unique femme au milieu d'un petit groupe de prisonniers évangélisés
mais peu recommandables, l'héroïne de la série devra affronter avec eux
un Alien qui a fait le voyage en sa compagnie et, en solitaire, une terrible vérité.
Le
réalisateur situe son action dans un huis clos quasiment médiéval. La
prison, qui était dans la première version du script, un monastère, a
conservé cette ambiance obscure et inquiétante des lieux de cette époque
de l'histoire. Les tonalités visuelles, elles-mêmes, métalliques, sont
celles que l'on s'attend à trouver dans un récit de châteaux et de
maléfices. Et cette fascination de Fincher
pour la pourriture et l'infestation qui tranche avec les environnements
aseptisés habituels de la science-fiction. Rappelons-nous, car nous
pourrions considérer ce film à l'aune de ses productions suivantes,
qu'il s'agit du premier long-métrage de fiction du metteur en scène.
Qu'il se frottait d'emblée à une suite, sorte d'épreuve initiatique pour
cet "à peine" trentenaire venu de la musique et d'un autre monstre (Madonna).
Et que la production ne lui a rien épargné en terme d'avanies diverses
et variées. Au point qu'il refuse d'assumer la paternité d'Alien 3. Mais l'enfant ressemble trop au père et le talent de Fincher est trop apparent à l'écran. Ne serait-ce que par cette atmosphère "théologique" qui sous-tendra également Se7en, et cette incroyable faculté de captation des personnalités. Alien 3,
plus encore que l'opus fondateur, est un film de personnages et de
psychologies. Il faut apprécier aussi les libertés prises avec le mythe :
transformer l'Alien en animal furtif, lui qui était d'une
pesanteur toute symbolique dans les deux premiers épisodes. Oser mettre
le spectateur en situation de voir à travers les yeux du monstre,
opération lourde de sens et, enfin, assumer le geste sacrificiel final,
donc la responsabilité d'une évidente conclusion qui, hélas, ne sera pas
validée par les affairistes de tous poils et autres pigments
synthétiques.
Ripley/Weaver rasée (il a fallu mettre le prix !)
et maladive est encore plus masculine que dans les opus précédents et,
pourtant, elle n'y a jamais été aussi féminine à la fois. Dès le début
du film, elle véhicule, avec un calme presque inhumain, le drame qui se
joue et porte à son niveau ultime la tragédie et la fatalité dont elle
est l'héroïne. L'ex-détenu Charles Dutton (qui aura droit à une apparition dans Se7en), campe, hors Ripley et les androïdes, avec Dillon, le personnage le plus intéressant de ce qui n'est encore qu'une trilogie. On peut regretter la disparition si rapide de Charles Dance dans le rôle du docteur Clemens
qui, lui aussi, recelait un fort potentiel. D'une manière générale,
toute la distribution est bien composée, avec cette majorité d'acteurs
britanniques qui donne au film ce délicieux accent colonial suranné.
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