jeudi 1 novembre 2012

Babettes gæstebud (le festin de babette)


"... Tout ce que nous emportons de la vie terrestre, c'est ce que nous avons donné."
 
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Une œuvre de la maturité, voila l'évidente et belle impression qui s'impose au spectacle du hiératique et néanmoins gourmand Babettes gæstebud. Lorsqu'il entreprend(1) d'adapter la nouvelle "Le dîner de Babette" issue du recueil "Skæbne-Anekdoter"(2) publié en 1958 par sa compatriote la baronne Karen Blixen(3), le quasi septuagénaire Gabriel Axel a déjà plus d'une cinquantaine de réalisations (pour l'essentiel des téléfilms) à son actif. Découvert en Europe, presque trente ans plus tôt, grâce à la comédie romantique Guld og grønne skove sélectionnée à la 8e Berlinale, le cinéaste danois élevé à Paris obtenait cette fois une véritable reconnaissance planétaire. Présenté dans la section cannoise "Un Certain regard"(4) avant de l'être au TIFF quelques mois plus tard, Babettes gæstebud recevait en effet l'"Oscar" 1988 puis le BAFTA 1989 du meilleur film en langue étrangère(5).
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Un village du Jutland au XIXe siècle. Deux sœurs Filippa et Martine se consacraient entièrement à rassembler la déclinante petite communauté formée par leur défunt père pasteur ainsi qu'au soutien des malades et nécessiteux. Courtisées lorsqu'elles étaient plus jeunes, leur père avait toujours exprimé, de manière imagée, aux soupirants sa réticence à les marier. Martine avait finit par négliger l'intérêt que lui portait Lorens Löwenhielm, un dissipé jeune officier envoyé par son père pendant trois mois chez sa vieille tante à Norre Vossborg pour amender sa conduite. Filippa, aux aptitudes vocales remarquables, avait un an plus tard mis un terme aux cours de chant proposés par le réputé artiste lyrique français Achille Papin, venu se reposer dans la région, qui en était tombé amoureux. Un soir d'orage trente-cinq ans plus tard, en septembre 1871, une femme très éprouvée et désespérée s'était présentée à la porte des deux sœurs, recommandée par M. Papin notamment pour ses talents de cuisinière. Obligée de fuir Paris sans ressource après avoir perdu époux et fils, Babette Hersant entrait alors gracieusement à leur service.
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Sans pouvoir être qualifié de roboratif, le mélange de rusticité et de grâce qui caractérise Babettes gæstebud se montre délicieusement réjouissant. Narré en voix off à l'imparfait, le film prend d'ailleurs dès son entame des allures de conte un peu mystérieux, au moins énigmatique, dans lequel s'interpellent dévotion et gratitude, peine révélatrice et aperçu du bonheur. Originale élaboration fictionnelle où tous les ingrédients convergent peu à peu pour aboutir à cette insolite et cocasse commémoration papillaire. Merveilleuse et exceptionnelle parenthèse à la coïncidence de cinq destins. Le festif assemblage de gens simples, frustes et d'un général fin gourmet (la haute cuisine nourrit-elle le corps tout en élevant l'âme ?) s'avère particulièrement savoureux. Babettes gæstebud est enfin et surtout un récit de femmes porté par trois belles interprètes. Birgitte Federspiel (Inger dans Ordet), la comédienne Bodil Kjer et, bien sûr, Stéphane Audran(6) qui retrouvait enfin ici un rôle digne de son talent depuis Poulet au vinaigre de son ex-époux Claude Chabrol
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1. avec un quatuor de producteurs assez peu connus à l'exception de Bo Christensen.
2. en français "Anecdotes du destin" dont Orson Welles avait également tiré en 1968 Une Histoire immortelle.
3. sous le pseudonyme d'Isak Dinesen, son patronyme de naissance.
4. en 1967, le drame historique Den Røde kappe avec Birgitte Federspiel avait concouru pour la "Palme d'or".
5. où il était en compétition, excusez du peu, face à Au revoir les enfants de Louis Malle, Oci ciornie de Nikita Mikhalkov et Der Himmel über Berlin de Wim Wenders !
6. choisie en seconde analyse, le personnage-titre devant initialement être tenu par Catherine Deneuve.

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