"Are you kidding?"
Très diversement apprécié, sans doute en grande partie en raison d'une méprise des véritables intentions du cinéaste, Dressed to Kill tient en effet moins du conventionnel thriller psycho-criminel que de l'exercice de style (certes, pas toujours maitrisé). Deuxième "brème" du brelan hitchcockien produit par George Litto, projet moins ambitieux sur le plan formel malgré un budget près de cinq fois supérieur au précédent(1), ce neuvième long métrage offre à Brian De Palma la possibilité d'y développer des préoccupations plus personnelles, symptomatiques pourrait-on dire. L'occasion également pour Michael Caine et Angie Dickinson d'échapper provisoirement à un cycle de productions médiocres et à Nancy Allen (récente première épouse du réalisateur) de se faire remarquer.
Insatisfaite de son second conjoint, Kate Miller consulte depuis quelque temps le psychologue Robert Elliott auquel elle n'hésite pas, pour se rassurer ce matin-là, à faire d'explicites avances. Son ingénieux fils Peter
ayant renoncé à l'accompagner, elle se rend seule au musée ; un inconnu
portant des lunettes noires venu s'asseoir à côté d'elle éveille à
nouveau son désir de séduction. Mais le quidam se relève bientôt en ne
lui portant qu'un bref regard inexpressif. Kate le suit, croit
l'avoir perdu, le retrouve, est surprise et perturbée par la main gantée
de l'individu posée sur son épaule. Resté ensuite introuvable, celui-ci
l'attend dans un taxi dans lequel le couple adultère va se livrer à
d'impudiques ébats puis les poursuivre dans l'appartement de l'homme.
Laissée seule, Kate se prépare vers à 19h19 à rentrer chez
elle. En voulant laisser un message à son amant, elle découvre dans le
tiroir un diagnostic médical d'infections vénériennes. Dans l'ascenseur,
elle s'aperçoit avoir oublié son alliance en diamant. Lorsque la porte
s'ouvre une nouvelle fois au septième étage, une femme dissimulée par
des lunettes noires l'attend armée d'un rasoir avec lequel elle va
s'acharner mortellement. A un niveau inférieur, une jeune femme va
assister presque impuissante à son agonie avant d'entrevoir la
meurtrière dans le miroir.
Placé d'emblée sous le régime du fantasme, Dressed to Kill laisse en permanence planer le doute sur la réalité de son intrigue. La part autobiographique (incarnée par le jeune Peter savant électronicien) du récit participe probablement à cette intrinsèque substance illusoire. Le scénario original de Brian De Palma ne force-t-il pas sciemment le trait(2)
? Les réactions, aujourd'hui surannées, relatives au caractère
prétendument misogyne, transphobique du film perdent d'ailleurs, dans
cette optique, toute validité. Dressed to Kill ne véhicule, me semble-t-il, aucun point de vue moral. De Palma
ne s'intéresse visiblement pas aux éléments causals mais bien davantage
aux effets complexes et sournois du déséquilibre et de la fatalité. Il
se délecte, au passage, de s'approprier pour cela l'inédite et puissante
transgression narrative hitchcockienne : faire disparaitre, au tiers du métrage (avec une violence tranchante) le présumé personnage central(3).
Il n'est évidemment pas non plus anodin de lui substituer ensuite, dans
un climat pour l'essentiel psychotique,... une professionnelle du sexe
apparemment bien dans sa peau. Anthologique, la fin de la séquence dans
l'ascenseur met en évidence les traits de génie cinématographiques dont
est capable le réalisateur. Le choix d'Angie Dickinson(3), au charme ambigu et à la voix singulière, s'avère plutôt judicieux. La discrète participation de Michael Caine(3) est en moins convaincante. L'effacement de ses principaux partenaires profite donc à Nancy Allen, nommée aux "Golden Globes" dans la catégorie "Nouvelle vedette féminine de l'année"(4) et, dans une moindre mesure, à Dennis Franz déjà titulaire d'un rôle secondaire dans The Fury.
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1. entre lesquels s'intercalent les adaptations Carrie, The Fury et la comédie Home Movies.
2. illustré par l'initial désir non refoulé d'agression "physique",
l'interminable partie de cache-cache tentateur, les tromperies
imbriquées, l'hypothétique sentiment de culpabilité souligné par le
regard insistant d'une petite fille juste avant de succomber, la
dissociation de personnalités...
3. De Palma souhaitait au départ confier le rôle de Kate Miller à Liv Ullmann qui l'a refusé, celui du docteur Robert Elliott à Sean Connery intéressé mais indisponible.
4. dans laquelle fut distinguée Nastassja Kinski (Tess). Mrs De Palma
fut également sélectionnée parmi les "pires actrices" lors de la
première édition des "Razzie Awards" aux côtés de son époux ("pire
réalisateur") et de Michael Caine ("pire acteur" également pour The Island).
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