"I do hope I haven't gone release something!."
Créée(1) en juin-juillet 1941 puis montée peu après à Broadway, la pièce éponyme de Noel Coward avait pour première vocation de divertir le public britannique, rudement éprouvé par le récent et destructeur Blitz. Le succès enregistré des deux côtés de l'Atlantique ne tarda pas à susciter l'intérêt des studios hollywoodiens. Le dramaturge et cinéaste préféra pourtant se charger lui-même de l'adaptation (à travers la structure du natif italien Filippo Del Giudice, producteur de ses deux précédents films). Et de poursuivre sa collaboration avec David Lean en lui confiant la réalisation. Comédie romantico-fantastique, Blithe Spirit s'amuse, avec légèreté et spiritualité, de la rivalité posthume de deux conjointes successives d'un veuf remarié joué par Rex Harrison, futur interprète du fantôme du capt. Daniel Gregg dans le remarquable The Ghost and Mrs. Muir de Mankiewicz.
Charles et Ruth Condomine reçoivent à dîner dans leur charmant cottage le docteur Bradman et son épouse Violet ainsi que l'excentrique Mrs. Arcati. Après le repas, le groupe se livre comme convenu, sous la conduite de celle-ci, à une séance de spiritisme, pratique qui intéresse Charles pour l'écriture d'un roman. Au terme d'une insolite et un peu grotesque préparation, Mrs. Arcati parvient à entrer en contact avec Daphne, sa jeune et mutine interlocutrice dans l'au-delà. Un esprit non identifié souhaite communiquer avec Mr. Condomine. En transe, Mrs. Arcati prononce trois phrases avec la voix d'une fillette, pousse un cri puis s'effondre inconsciente. La table autour de laquelle sont assis les deux couples s'élève irrésistiblement puis chute de façon mystérieuse. Une autre voix intime alors à Charles de ne pas la relever ; il est le seul à l'avoir entendu. C'est Elvira, sa première épouse décédée sept ans plus tôt, qui lui parle ainsi. Charles met avec nervosité fin à la séance, mettant en définitive sur le compte de la plaisanterie ses dernières assertions. Ayant repris connaissance, Mrs. Arcati affirme néanmoins sentir une présence psychique avant de prendre congé. L'esprit d'Elvira entre à travers la porte-fenêtre du salon. Une présence invisible pour Ruth et ses deux convives mais qui bouleverse Charles dès qu'il l'aperçoit enfin.
Sous-titrée "An Improbable Farce in Three Acts", la pièce revendiquait d'emblée son caractère de vaudeville chimérique. L'introduction, sur un mode fabuleux, de Blithe Spirit suggère le rattachement du récit à suivre aux facultés aperceptives de l'enfance supposées perdues. Il suffit, en réalité, d'avoir le sens de l'humour et des situations cocasses pour apprécier l'intrigue imaginée par Noel Coward(2). Laquelle repose sur l'énigmatique raison du retour de la "trépassée" Elvira (jalousie désincarnée, contentieux conjugaux non réglés, survivance sentimentale ou... ?), les quiproquos mais aussi l'adresse technique mise en œuvre par Tom Howard (nommé aux "Oscars" 1947 avant d'être récompensé, douze ans plus tard, grâce à ses effets photographiques pour Tom Thumb) permettant la déterminante représentation fantomatique. A la veille d'accéder à la notoriété internationale, Rex Harrison déçoit un peu, empêtré dans un répétitif et guindé agacement. Aux côtés de la comédienne étasunienne Constance Cummings (partenaire notamment d'Harold Lloyd avant de s'installer en Angleterre) et de Kay Hammond(3), c'est l'épatante Margaret Rutherford (The V.I.P.s) qui illustre le mieux le titre du film (esprit allègre) et déclenche l'enthousiasme.
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1. avec Cecil Parker (Charles Condomine), Fay Compton (Ruth Condomine) et déjà le duo Kay Hammond (Elvira) - Margaret Rutherford (Madame Arcati).
2. moins sophistiquée que celle de "Birthday" écrite par Leslie Bush-Fekete à l'origine du formidable Heaven Can Wait de Lubitsch.
3. dont les rôles seront respect. repris en 1956/1966 à la télévision par Lauren Bacall/Rosemary Harris (Elvira), Claudette Colbert/Rachel Roberts (Ruth) et Noel Coward/Dirk Bogarde (Charles).
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