"A wonderful, mystical, magical miracle!"
Il n'existe pas réellement de films mineurs chez David Lean, seulement des réalisations moins prééminentes que d'autres. Ainsi, Summertime figure-t-il dans le deuxième tiers, à la fois chronologique et qualitatif, de la carrière du cinéaste (pour lequel il était toutefois le préféré). Adapté de la pièce d'Arthur Laurents (notamment co-scénariste de Rope, auteur de Home of the Brave, West Side Story et The Way We Were décédé il y quelques semaines) créée à Broadway(1) en octobre 1952, ce pittoresque mélodrame, aux furtifs accents "gondolant", a en effet moins contribué au prestige du genre qu'à la publicitaire touristique de la pourtant réputée quoique lagunaire "Cité des doges"(2). L'unique film produit par le distributeur Ilya Lopert(3) valut à Lean et à son actrice principale Katharine Hepburn leur respective cinquième et sixième nominations aux Academy Awards(4).
Dans le train sur le point d'entrer en gare de Venise, Jane Hudson s'extasie devant le paysage qu'elle découvre et filme avec gourmandise. Modeste secrétaire résidente d'Akron (Ohio), Jane a consacré une bonne part de ses économies pour s'offrir ce premier voyage en Europe sur lequel elle fonde des espoirs presque surnaturels. Célibataire un peu guindée et sans doute quadragénaire, c'est l'amour qu'elle souhaite enfin rencontrer dans cette si romantique ville italienne. Dans le bus flottant qui la conduit vers la pension Fiorini, elle s'entretient avec Mr. & Mrs. Lloyd McIlhenny, un vieux couple de compatriotes en pérégrination européenne descendu dans le même hôtel. Puis elle fait la connaissance de la propriétaire de la pension ainsi que des Yaeger, un jeune couple bourgeois-bohème. Le lendemain, après avoir décliné l'invitation de se joindre au déjeuner de la Signora Fiorini avec un ami, Jane part en promenade, tombant en extase en découvrant la place St-Marc. A la terrasse d'un café où elle s'est attablée, elle remarque qu'un séduisant Italien semble lui porter une attention soutenue.
Presque genre en soi, la romance en villégiature constitue cependant un thème cinématographique à l'intérêt très variable. Entre l'allègre et aristocratique Roman Holiday de Wyler et le bien plus tragique An Affair to Remember McCarey, Summertime a quelques difficultés à trouver sa place. Ou plutôt, puisque son centre de "gravité" n'est autre que la célèbre Piazza San Marco, sa signifiante singularité. Les superbes, parfois foncièrement folkloriques(5), décors ne submergent-ils pas le récit de cette idylle tardive et confuse ? Le revirement psychologique de Jane 'Coucou'(6) Hudson n'est-il pas trop précipité ? Pour son retour à l'écran, trois ans après Pat and Mike, Katharine Hepburn assume, comme elle l'avait déjà fait dans The African Queen, sa maturité aux côtés du Bolonais Rossano Brazzi, titulaire de rôles de soutien notamment dans Little Women et The Barefoot Contessa, futur partenaire de June Allyson dans Interlude de Sirk, et de la renommée comédienne milanaise Isa Miranda, interprète ici d'un personnage assez secondaire.
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1. "The Time of the Cuckoo", mise en scène par Harold Clurman à l'Empire Theatre avec Shirley Booth (Leona Samish) et Dino Diluca (Renato Di Rossi) dans les rôles principaux.
2. en compétition avec Vérone et Paris pour le titre officieux de "ville de l'amour ou des amoureux". 3. le père de l'actrice de second rôle Tanya Lopert que l'on aperçoit dans le film.
4. Hepburn et le film ont également été cités lors des 9e BAFTA.
5. le script n'évite pas certains clichés relatifs à l'Italien (cavaleur, menteur dès le plus jeune âge, palabreur, puéril, immoral, douteux voire malsain).
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