The Night of the Hunter (la nuit du chasseur)

"Now, weren't you afraid, little lambs, down there in all that dark?"

"Un film expérimental qui expérimente vraiment et un cinéma d'exploration qui, de fait, découvre" avait commenté François Truffaut au moment de la sortie en France de The Night of the Hunter, le critique prédisant que ce drame resterait l'unique réalisation de Charles Laughton. L'acteur natif du Yorkshire devenu citoyen des Etats-Unis en 1950 décida en effet, contrarié par l'échec du film, qu'on ne l'y prendrait plus. Une réception initiale défavorable dont la cause tient sans doute davantage à une méprise qu'à la supposée inexpérience de Laughton(1) et de son producteur Paul Gregory(2). Adapté du best-seller éponyme paru en 1953 de Davis Grubb par James Agee(3), The Night of the Hunter (entré en 1992 au National Film Registry) jouit désormais d'une réputation bien plus élogieuse auprès des cinéphiles éclairés.

Jugés à quelques jours d'intervalle, Harry Powell et Ben Harper partagent la même cellule du pénitencier. Le premier, présumé pasteur, purge une peine de trente jours pour avoir dérobé une automobile. Le second a été condamné à la pendaison pour le vol de dix mille dollars et un double meurtre. L'époux de Willa et père de John et Pearl a dissimulé les billets et confié à ses deux enfants le secret de sa cachette avant d'être appréhendé par les policiers. Séducteur et assassin en série de veuves pour leur magot, Powell échoue à faire parler son codétenu. Une fois libéré, il se rend dans la ville où réside la famille du défunt. Rapidement apprécié de Pearl, Powell suscite beaucoup moins de sympathie chez John. Encouragée avec insistance par sa patronne, la confiseuse Icey Spoon, Willa accepte d'épouser le prêcheur et de servir sa doctrine rigoriste. Malgré les répétés questionnements de Powell à propos de l'emplacement du butin, John et Pearl ne trahissent pas la promesse solennelle faite à leur père.

Modèle du Southern Gothic (style dans lequel se sont notamment illustrés William Faulkner et Tennessee Williams) au cinéma, The Night of the Hunter s'apparente moins aux futurs Elmer Gantry et Wise Blood qu'à un des contes populaires fantastiques de Charles Perrault ou réalistes signés par Mark Twain. Et c'est sans doute là que réside le malentendu évoqué précédemment. Les variations stylistiques et tonales, vraisemblable origine de l'appellation "expérimental" pour Truffaut, attestent d'ailleurs de ce parti pris. En outre, John, Pearl et les enfants en général ne se trouvent-ils pas au cœur de ce récit régulièrement ponctué de comptines ? L'après-Guerre de Sécession servait de contexte historique au roman de Davis Grubb. The Night of the Hunter se déroule pendant la Grande Dépression. Tous deux mettent ainsi en exergue, à travers cette opposition presque manichéenne du bien et du mal, la dissimulation, la forfaiture et plus largement le dérèglement moral de la société civile. Derrière la noirceur parfois presque horrifique, en tout cas "expressionniste"(4) ambiante, le propos reste résolument optimiste et réconfortant(5).

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1. l'interprète des rôles-titres de The Private Life of Henry VIII. et The Hunchback of Notre Dame mettait régulièrement en scène des pièces à Broadway. Il avait également tourné les scènes où apparaissait son ami Burgess Meredith, remplaçant imposé d'Irving Allen, dans The Man on the Eiffel Tower.

2. la première de ses deux productions pour le cinéma, la seconde étant The Naked and the Dead de Raoul Walsh.

3. scénariste de The African Queen de John Huston et futur "Prix Pultizer". Une durable controverse ne lui prêtait que le premier traitement du script modifié pendant le tournage par les frères Sanders, assistants-réalisateur de Laughton.

4. l'influence de D.W. Griffith est assez manifeste.

5. au "Leaning on the Everlasting Arms" (hymne, inspiré du "Deutéronome", dû au révérend Anthony Johnson Showalter) chanté par Harry Powell répond la suite du verset : "He will drive out your enemies before you" (Il chassera tes ennemis devant toi).