"I'm too old for this sort of thing. Just wake me up when the planet's destroyed."
Y a-t-il une vie après Fritz the Cat(1) ? Ou, pour poser la question de manière moins frontale, quelle piste artistique Ralph Bakshi pouvait-il explorer à la suite de cette subversive satire libido-sociale des années 1960 ? Heavy Traffic puis Coonskin avaient laisser croire en un enracinement dans cette niche catégorielle. Puis vint, proche et très dissemblable à la fois, cet étonnant Wizards. Sortie plusieurs mois avant Star Wars et Close Encounters of the Third Kind(2), cette fable martiale et futuriste se situe à la croisée des chemins de The Lord of the Rings (que Bakshi adaptera ensuite), du nipponime et de certains courts métrages d'animation, vecteurs de l'opposition à la guerre du Viêt-nam.
Très longtemps après la dévastation de la Terre par le terrorisme, quelques humains ont été protégés des radiations radioactives à l'origine de la mutation des autres survivants du chaos. Au paisible pays de Motagar, peuplé de fées, d'elfes et de nains, Delia la reine des premières a donné naissance à des jumeaux, le gentil magicien Avatar et le sorcier mutant Blackwolf. Le décès de leur mère se traduit aussitôt par une lutte acharnée pour le pouvoir entre les deux frères dont Avatar sort vainqueur. Trois mille ans plus tard à Scortch, le fief de Blackwolf, celui-ci ourdit sa vengeance en préparant une troisième guerre contre Motagar. Pour assurer ses chances de victoire, il a exhumé une arme ancienne susceptible de galvaniser ses troupes.
Véritable succès lors de sa sortie, révéré par de nombreux amateurs du genre aux Etats-Unis et pourtant méconnu en France, Wizards est une œuvre vraiment singulière. Allégorie mythologique de l'opposition millénaire du bien et du mal issus de la même matrice, caractérisée ici par la rivalité entre la magie (humanité ?) et la technologie, ce film produit par la Fox (studio promoteur de Planet of the Apes notamment) se nourrit paradoxalement de sa relative discordance et de son évidente hétérogénéité. Y compris sur le plan graphique. Associer ses propres créations à celles de l'illustrateur britannique Ian Miller ou de l'auteur de bandes dessinées Mike Ploog ("Ghost Rider", "Werewolf by Night") ne constitue-t-il pas un réel tour de force réussi par Ralph Bakshi ? Sans oublier les incorporations stylisées ou en rotoscopie de fictions historiques et documentaires(3). Tour à tour d'une intense gravité et d'une drôlerie candide, Wizards nous entraîne vers un univers peut-être moins lyrique que celui du contemporain René Laloux mais tout aussi saisissant.
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1. premier long métrage d'animation de Ralph Bakshi succédant à une quarantaine de courts.
2. The Rescuers ou encore Saturday Night Fever ; mais aussi quelques semaines après l'élection du démocrate Jimmy Carter à la présidence des Etats-Unis.
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