"... Only weak people sit around under trees wishing for things. It's better to do it yourself."
Adapter cet ouvrage d'Octave Mirbeau aux Etats-Unis, y compris dans le pays présidé après-guerre par le fils de fermiers Harry S. Truman, relevait assurément d'un goût certain pour la provocation. Nommé aux 18e Academy Awards pour The Southerner (autre drame social tiré lui d'un roman local) peu après la sortie du film, Jean Renoir pouvait-il avoir une autre intention en proposant cette extravagante philippique aux descendants, même repentis, d'esclavagistes et aux champions du capitalisme universel ? Avec cette libre version de The Diary of a Chambermaid, il choisit en effet, à nouveau, d'illustrer le thème du rapport viscéralement conflictuel entre serviteur et maître qu'il avait génialement développé sept ans plus tôt dans La Règle du jeu. Co-produit et interprété par le comédien Burgess Meredith, bientôt soupçonné d'activités anti-américaines, et par son épouse Paulette Goddard, cette étrange satire mérite sans conteste d'être (re)découverte.
Dans le train qui l'emmène au Mesnil, où elle doit prendre son douzième emploi de femme de chambre en deux ans, Célestine s'interroge sur les raisons de sa chronique instabilité. Elle est accueillie à la gare par Joseph, le déplaisant valet des Lanlaire, qui récuse aussitôt Louise, la craintive postulante à la place de fille de cuisine. L'homme de confiance de sa patronne est néanmoins poussé à revenir sur sa décision lorsque Célestine conditionne son propre engagement à celui de sa toute nouvelle amie. Cette inédite expérience redonne à Célestine, souvent éprouvée, une énergie insoupçonnée et des ambitions : cesser d'être une domestique en épousant un individu fortuné. Dans la cuisine de la vaste demeure, Louise fait la connaissance de Pierre, un villageois timide, puis Célestine prend Charles Lanlaire pour le jardinier. La soudaine irruption de son acariâtre épouse met rapidement un terme à l'aimable équivoque. Le lendemain, sous la conduite de Joseph, la jeune femme découvre, entreposée dans la cave, l'ancienne et précieuse argenterie qu'utilisent les Lanlaine, hostiles à la république, la nuit du 14 juillet. Le charme de Célestine ne laissent pas longtemps indifférents l'impécunieux M. Lanlaine ainsi que son voisin détesté, l'excentrique et argenté capitaine Mauger qui se divertit en brisant les verrières du jardin de celui-là. Un télégramme annonce bientôt le retour du fils Lanlaine, Georges atteint de tuberculose. Pour le retenir, sa mère tente d'instrumentaliser Célestine.
'"... Filthy souls." Mésestimé, quand il n'est pas tout simplement méconnu dans son pays de production, The Diary of a Chambermaid conserve une grande part du caractère corrosif et libertaire de l'œuvre originale signée en 1900 par l'anarchiste Mirbeau. La charge contre les prétendus honnêtes gens, les profiteurs et la racaille y apparaît presque aussi forte que celle, électrique celle-là, de nature libidinale (la secrète mais très probable liaison entre Joseph et sa "maîtresse" servant de muette et incitative référence). La clef de cette étonnante partie de billard à bandes obligatoires peut d'ailleurs être exprimée sous la forme interrogative : qui sert qui ? Dans le rôle-titre, entourée de personnages à leur manière tous cruels et insensés, solidement tenus par Burgess Meredith, Judith Anderson et Francis Lederer, Paulette Goddard livre une bien belle interprétation, pleine de nuances contrastées (révolte et docilité, allégresse enfantine et profonde douleur). Très différence de celle que composera, près de vingt ans plus tard, Jeanne Moreau sous la direction de Luis Buñuel.
Film splendide, plein de vie et anarchique, où un film dans un film américain des années 40 embrasse un homme! Un pur plaisir!
RépondreSupprimerSi vous voulez vous pouvez jeter un oeil au blog que j'ai écrit dessus
http://silverparticules.blogspot.com/2011/02/le-journal-dune-femme-de-chambre-diary.html
Cordialement