"Je ne suis pas tout seul."
Moins connu que Leone, l'autre Sergio
du western italien possède néanmoins des inconditionnels, amateurs de
son style. Moins méticuleux que son collègue, avec lequel il a
d'ailleurs travaillé sur le péplum Gli Ultimi giorni di Pompei, voire même parfois négligeant, Corbucci séduit par son audace, son exubérance créatrice et l'étrangeté des ambiances de ses œuvres. Lorsqu'il tourne Django, il a plus de dix réalisations à son actif, dont trois westerns inégaux. Le film sort quelques mois avant Il Buono, il brutto, il cattivo (à noter, à ce propos, que tous les deux se terminent dans un cimetière).
Le tournage fut interrompu, faute de moyens, au bout de quelques jours
et ne put reprendre que grâce à des capitaux espagnols. Cela ne
l'empêchera pas de connaître un joli succès commerciale et
international, malgré la concurrence vive : pas moins de soixante-deux
westerns sortent cette année... dont trois de Corbucci.
A
la frontière entre l'Arizona et le Mexique, dans un village abandonné
par ses habitants à l'exception du propriétaire du saloon (Angel Alvarez) et de cinq prostitués, arrivent un étranger, Django (Franco Nero), et Maria (Loredana Nusciak), une femme dont il vient de sauver la vie en abattant cinq individus qui se préparaient à la brûler vive. Le major Jackson (Eduardo Fajardo)
ne tarde pas à se présenter, à deux reprises, pour lui demander des
comptes. Mais il doit, à chaque fois, battre en retraite après que ses
hommes aient été exterminés par l'inconnu. C'est au tour du général Hugo Rodriguez (José Bodal) d'arriver en ville. Django
lui a, dans le passé, sauvé la vie. Il lui propose de s'associer pour
voler l'or de Fort Charriba. Voyant ainsi un moyen de financer sa
révolution, Rodriguez accepte. Mais, une fois l'opération réussie, il essaie de doubler son partenaire, ce qui n'est pas du goût de celui-ci.
Naissance d'un personnage "mythique" du western italien (le rôle sera repris une bonne douzaine de fois, notamment par Terence Hill), Django
marque aussi une date dans le genre pour ses innovations scénaristiques
et esthétiques. Le générique est, à lui seul, une pièce d'anthologie :
un homme, vu de dos, marche seul dans un paysage de désolation en
traînant derrière lui un cercueil. La tonalité est donnée. Django est, après le personnage qui donne son nom au Minnesota Clay sorti un an auparavant, le second héros martyrisé, au sens propre du terme, par Corbucci. Dans un environnement qui ménage encore quelques conventions, sonores en particulier, le film se situe, dans la mouvance de Leone,
en rupture, presque caricaturale, avec le western hollywoodien.
Violence sadique et fatalité morbide lui confèrent un réalisme
désenchanté et une modernité que beaucoup des films de années 1960 ont
perdu. Franco Nero, dans son premier grand rôle, visiblement inspiré par les Joe ou Monco incarnés par Clint Eastwood, est parfaitement à l'aise pour alterner force presque invincible et souffrance rédemptrice.
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