"Aveuglé par l'argent."
Sixième épisode de "La Légende de Zatoichi" après ceux dirigés par Kenji Misumi, Kazuo Mori, Tokuzo Tanaka (deux films sortis en 1963, en couleur, les premiers de la série) et Kimiyoshi Yasuda. Zatôichi senryô-kubi (littéralement "Zatôichi, cou de mille ryos"(1), traduit en anglais par "... et le coffre d'or") est la première des trois réalisations de "Zatoichi" de Kazuo Ikehiro (un doublé sorti respectivement en mars et juillet 1964 et le dernier en 1966). Le film présente, parmi ses particularités, celle de réunir à nouveau, après Zoku Zatoichi monogatari, Shintarô Katsu et son frère aîné Tomisaburo Wakayama. Celui-ci deviendra célèbre, quelques dix ans plus tard, grâce à ses multiples interprétations du ronin Ogami Itto, plus connu sous le nom de Kozure Ogami (Baby Cart).
Zatôichi (Shintarô Katsu) se rend dans le village d'Itakura pour rendre hommage à Kishizo,
un jeune combattant qu'il a tué, deux ans plus tôt, à l'occasion d'un
malheureux concours de circonstances. Il est encore dans les environs
lorsque des hommes de Monji, sorte d'officier ministériel de la
ville de Todo, à la solde de l'intendant, volent aux paysans les mille
pièces d'or d'impôt qu'ils doivent verser à ce dernier. Kunisado Chuji,
le chef d'un bien misérable groupe réfugié dans la montagne Akagi,
habituel défenseur des paysans, est accusé du vol par les villageois. Le
clan, à l'exception de Chuji, est, après avoir reçu la visite de Zatoichi, exterminé par les sbires de Monji.
Le masseur aveugle va alors se charger de retrouver et de punir les
responsables de ces forfaits avant d'affronter, dans un tardif duel
singulier, l'homme fort de Monji, le samouraï mercenaire Jushiro (Tomisaburo Wakayama).
Dès
le générique, accompagné de plusieurs courts combats, l'évolution de la
série est manifeste. Outre la couleur, en usage depuis trois épisodes,
et même si la psychologie du personnage central continue à être fouillée
par le scénario, les scènes d'action sont bien plus nombreuses. S'il se
laisse malmener, souvent injustement, par ses semblables, Zatoichi
réagit avec plus de vigueur au mépris, à l'insulte et envers les
scélérats. Toujours avec une efficacité qui frôle le fantastique. Il
décime à lui seul, pourtant embarrassé par la présence d'un jeune enfant
dont il a provisoirement la charge, une partie de l'armée envoyée pour
éliminer Chuji et ses hommes. Il se défait, en un temps record,
de huit hommes armés de mousquets, que nul n'ose affronter, pour
libérer les représentants du village emprisonnés et condamnés à être
exécuter par le sinistre intendant. Zatôichi senryô-kubi
possède, sans connotation péjorative, une dimension théâtrale
indéniable. D'abord, par le jeu des acteurs plus que par les dialogues (hormis ceux de la séquence de la rencontre entre Zatoichi et Chuji), par la mise en scène, ensuite, lorsqu'elle joue sur le déplacement des personnages à l'intérieur d'un espace (dé)fini.
Il faut également souligner la proximité du film avec des situations de
western. Deux moments, parmi d'autres, sont particulièrement
significatifs : l'affrontement "à la pièce"(2), au deux tiers du métrage, et le combat final(3). Enfin, la réalisation visuelle, si elle n'est pas exempte de maladresses (flou involontaire, mouvements non contrôlés dans des plans fixes, travellings audacieux), fait preuve d'une réelle créativité, notamment avec ses jeux de clair-obscur et ses superpositions d'images(4).
Un opus intéressant, qui n'atteint pas, toutefois, le niveau du film
fondateur. On attend, avec impatience, l'édition du treizième (sic) épisode, Zatoichi Jigoku tabi, capable de rivaliser avec ce dernier.
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1. le ryo est une unité de monnaie japonaise.
2. que je vous laisse découvrir.
3. idem !
4. voir illustrations ci-dessous.
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