Columbo est le personnage principal d'une nouvelle écrite, au début des années 1960, par deux camarades d'université, William Link et Richard Levinson. Le lieutenant s'appelle, en fait, à l'époque Fisher, mais il a déjà toutes les caractéristiques du futur Columbo. Ce qu'il devient lorsque la chaîne NBC le programme dans sa grille. L'épisode Enough Rope passe relativement inaperçu. Et presque tout le monde a oublié que l'acteur qui incarne le premier Columbo était un certain Bert Freed. Link et Levinson adapte alors leur nouvelle pour le théâtre. Columbo, joué par Thomas Mitchell, le père de Scarlett O'Hara dans Gone with the Wind, devient un personnage secondaire car c'est l'assassin qui occupe la tête d'affiche. Mais rapidement Mitchell
vole la vedette à ses partenaires et reprend les commandes de
l'histoire. Ce qui reste le cas lorsque ses deux créateurs proposent une
nouvelle version de leur script à Universal. Peter Falk endosse l'imperméable du policier de la brigade criminelle de la LAPD dans Inculpé de meurtre, diffusé le 20 février 1968 sur NBC. La chaîne souhaite prolonger l'aventure sous la forme d'une série. Falk, d'abord réticent, finit par accepter moyennant un rythme de tournage de six ou sept épisodes par an. Curieusement, NBC
demande un second pilote, considérant que le premier possède un statut
de téléfilm et non d"épisode de série. L'autre raison, moins officielle,
est que la chaîne ne comprend pas le succès de Columbo et doute qu'il soit durable. On connaît, aujourd'hui, ce qu'il en est. La série débute en 1971.
Il est vrai que le personnage de Columbo
n'a rien de ce qui, habituellement, attire le public. Petit, mal
coiffé, habillé comme l'as de pique, conduisant une antiquité, de
surcroît européenne (le snobisme de posséder un véhicule étranger n'existait pas encore aux States), c'est l'archétype du looser,
l'anti glamour incarné. De plus, il n'apparaît à l'écran qu'après un
vingtaine de minutes environ, une fois le forfait accompli. Ce qui ne
répond pas au standard des séries télévisées. Pas de réel suspens non
plus, le téléspectateur, selon le principe de R. Austin Freeman et Roy
Vickers, connaît le coupable puisqu'il l'a vu commettre le crime. Le
lieutenant semble, lui aussi, avoir rapidement, mais sans le laisser
montrer, tout compris de l'affaire. Columbo est ce que l'on appelle une "formula show"*,
c'est à dire que la série réédite à chaque fois la même structure
scénaristique. Tout l'intérêt réside alors dans la découverte de la
manière dont le policier va assembler les morceaux du puzzle. Pour cela,
avec ses manies, son côté fureteur, son soucis des détails les plus
invraisemblables, ses questions qui semblent sans consistance, parfois
hors sujet, ses fausses sorties qui sont devenues un gimmick,
il donne le sentiment à son adversaire qu'il n'a rien à craindre et lui
fait relâcher sa garde. Le plaisir pour le spectateur se situe dans ces
joutes verbales et psychologiques entre les deux protagonistes. Et plus
l'adversaire, qui peut opter, selon le cas, pour la cordialité ou
l'antipathie, est intelligent et puissant, plus le plaisir est grand. Et
lorsqu'il se rend compte de la qualité et de l'efficacité de son
interlocuteur, il est déjà trop tard.
L'interprétation de Peter Falk
est pour beaucoup dans la réussite de la série. Le choix de castings
souvent de qualité, parfois prestigieux, l'a renforcé. A noter que la
choix de Serge Sauvion
pour doubler la voix de l'inspecteur en français a également participé
au succès en France. La série s'interrompe en 1978 pour des raisons
financières. En 1989, ABC reprend la "franchise", toujours avec
le même acteur principal. Si les épisodes se laissent regarder, cette
reprise à un petit arrière-goût de réchauffé et a perdu une grande
partie de son charme.
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*comme l'est, par exemple, la série Mission: Impossible.
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