"... Seule la lumière peut faire face à la lumière."
Premier long métrage, doté d'un budget ridicule, de Werner Herzog après quatre courts, Lebenszeichen permet au réalisateur de partir sur les traces de son grand-père archéologue. Le film reçoit, d'emblée, un "Ours d'argent", prix spécial de la première oeuvre au Festival international du film de Berlin en 1968. Tout ce que sera le cinéma d'Herzog est déjà en puissance dans ce film.
L'histoire, mi narrée mi dialoguée, du soldat allemand Stroszek (Peter Brogle)
: blessé par des partisans grecs, il est soigné dans un hôpital
militaire crétois puis affecté, pendant sa phase de convalescence, sur
la tranquille île de Kos. Accompagné de sa future épouse Nora (Athina Zacharopoulou),
il a pour mission, avec deux autres soldats, de garder un dépôt de
munitions au centre d'un château médiéval. Les jours s'écoulent,
paisibles, trop paisibles. L'uniformité est à peine rompue par
l'apparition d'un prétendu et étrange jeune roi tzigane. L'état mental
de Stroszek commence à inquiéter son entourage. Au cours d'une
patrouille dont il a sollicité le principe pour tromper son ennui, il
est pris d'un accès de folie.
Inspiré de l'œuvre de l'auteur fantastique Ludwig Achim von Arnim*, dont la notoriété a été éclipsée par son contemporain E.T.A. Hoffmann, Lebenszeichen
est avant tout d'une grande beauté visuelle. Cette splendide
photographie** en noir & blanc des paysages du Dodécanèse crée le
charme intemporel et fantastique du film, accompagnée par les accents
musicaux locaux, mais non folkloriques, de Stavros Xarhakos. Car plus que le récit lui-même, c'est l'atmosphère singulière habilement et poétiquement composée par Herzog
qui en fait l'intérêt. La plupart des thèmes que développera le
réalisateur allemand dans ses films suivants sont déjà présents : la
folie, bien sûr, la solitude, la nature et l'enfermement traités avec ce
lyrisme documentaire qui est devenu sa marque de fabrique. Une très
belle première oeuvre qui laisse entrevoir un talent rapidement
confirmé, au début des années 1970, par Auch Zwerge haben klein angefangen et Fata Morgana, avant le choc Aguirre, der Zorn Gottes.
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*traduit en français par Théophile Gautier au milieu du XIXe siècle.
**dont Thomas Mauch est déjà l'auteur. Il sera derrière la caméra sur six autres films du metteur en scène.
**dont Thomas Mauch est déjà l'auteur. Il sera derrière la caméra sur six autres films du metteur en scène.
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