"Antigone with the wind."
En découvrant le dernier film de João César Monteiro,
sorte de testament cinématographique de ce réalisateur portugais qui
aurait eu 70 ans dans quelques jours, le souvenir de ma visite à l'une
des dernières expositions de dessins de Picasso à la galerie Kahnweiler m'est irrésistiblement revenu à l'esprit. Un peu comme le génial "cousin" ibère, Monteiro
provoque et se met en scène dans une problématique essentiellement
érotico-littéraire. La prééminence du sexe n'a, bien sûr, chez un auteur
de sa qualité, rien de vulgaire ni de démonstratif. Il n'est qu'un
instrument pour mieux conjurer un sort qu'il sait déjà proche et
inévitable. Mais c'est aussi l'occasion de dresser un bilan-inventaire à
la fois intellectuel, spirituel et politique de cette courte période
qui va de l'acte génital/génitif primordial (suggéré par le titre) à la disparition programmée par ce même acte.
João Vuvu
est un vieux monsieur un peu désœuvré qui occupe ses journées à se
promener en autobus et à recevoir des jeunes femmes répondant à une
annonce pour du ménage. Il s'adonne alors, avec elles, à des jeux
étranges mais toujours adaptés à leur personnalité. Il en est le maître
de cérémonie même si, parfois, la répartition des rôles se fait à son
détriment. Il reçoit la visite de son fils, sorti de prison pour vol et
meurtre de deux policiers. Cela pourrait en faire un héros à ses yeux,
mais la trivial banalité de ses projets lui font renoncer à assumer plus
loin cette paternité. Au cours d'une nuit, João Vuvu reçoit
l'assaut d'un attribut de rite africain qui manque de l'achever.
Hospitalisé, il brave encore une fois le danger et les interdits pour
reprendre ses déambulations à travers Lisbonne.
Le cinéma de Monteiro est, reconnaissons-le, difficile, davantage que celui de son compatriote et aîné Manoel de Oliveira.
Auteur et acteur de la plupart de ses œuvres, le metteur en scène
portugais a construit, en un peu plus de trente ans, un univers
singulier et personnel qui contraste absolument avec le cinéma
commercial contemporain. Il est celui des cinéastes dont le travail
s'apparente (et prolonge ?) le plus avec celui d'un Luis Buñuel, tant par l'étrangeté des atmosphères que par les thèmes développés : rapport de dominance, (a)théisme et érotisme. Vai e Vem
est une parabole complexe, oeuvre en prose mise en images et citant
volontiers le cinéma américain, dont on ne peut prétendre appréhender la
signification intégrale, ce qui crée une certaine frustration, effet
probablement recherché par son auteur.
A cela, Monteiro
ajoute une dilatation du temps, une dilution du rythme auxquelles n'est
plus habitué le spectateur moderne, génératrices d'impatience, là
encore délibérément assumée par le réalisateur. Il n'en demeure pas
moins qu'il s'agit d'un cinéma de combat : contre le conformisme, le
pouvoir, l'idéologie, l'impérialisme (notamment états-unien) et, plus que tout, la bêtise, Monteiro utilise le lyrisme et l'amour. Lyrisme physique et amour désincarné. On aimerait que le septième art n'oublie pas cette équation essentielle.
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