"Pas mal comme jeu. Jouons-y jusqu'au bout !"
Ceux qui ont découvert les films d'Elio Petri
dans leur stricte chronologie n'y ont peut-être pas été sensibles.
Mais, rétrospectivement, cette première réalisation du cinéaste romain
éclaire certaines des suivantes de manière subtile. En particulier Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto avec lequel cet Assassino
partage une évidente proximité tout en se situant à son opposé sur le
spectre narratif. Avec ce drame psychologique dissimulé dans un polar
aux connotations absurdes et drôles, Antonio Guerra s'évade un peu de l'univers de Michelangelo Antonioni dont il est alors le collaborateur régulier. Le Santarcangioleso et Petri avaient déjà travaillé ensemble à quatre reprises, notamment auprès de Giuseppe De Santis. Autre particularité du film, le retour en Italie de la Parisienne Micheline Presle dans un rôle secondaire aux côtés de l'omniprésent Marcello Mastroianni.
Alfredo Martelli
rentre chez lui au petit matin. L'antiquaire a prévu de quitter sous
peu son appartement romain pour rejoindre sa fiancée à Lucques.
L'arrivée impromptue d'un groupe de trois inspecteurs de police dirigé
par Margiotta, qu'il prend d'abord pour des clients, contrarie son projet. Après une rapide exploration des lieux, Martelli
est emmené, sans en connaitre le motif, au commissariat de San Vitale.
Au terme d'une longue attente imposée sciemment, il est reçu par le
commissaire Palumbo qui l'a observé derrière un miroir sans tain. Martelli
lui confirme détenir désormais en pleine propriété une boutique acquise
cinq ou six ans auparavant avec l'aide de son ex-associée Adalgisa de Matteis. Il doit également avouer être fiancé à Nicoletta Nogaro, la fille d'un industriel connu du secteur pharmaceutique. En tentant d'avertir Adalgisa de sa rétention au commissariat, Martelli
apprend son décès, un assassinat dont il est le principal suspect dans
la mesure où il est la dernière personne à l'avoir rencontrée, la veille
au soir, dans son hôtel en réfection de Tor San Lorenzo. Une
présomption de culpabilité renforcée par son statut d'ancien amant
débiteur à son égard d'une forte somme.
Longue garde à vue d'un témoin-suspect, ponctuée de réminiscences en flashback, L'Assassino met en scène (et en jeu) un "personnage aliéné" dans un contexte de forte "incommunicabilité" (selon les propres termes d'Elio Petri). Confronté à ses contradictions, à la fausse tranquillité de sa conscience, Alfredo Martelli
ne cesse de passer pour un coupable potentiel. D'autant que peuvent
s'exprimer à son encontre, outre les inévitables rancœurs et autres
mesquines vengeances, de vieilles présomptions liées à l'attitude
antifasciste empruntée par son grand-père... dont il se moquait pourtant
bien ! Sans être un véritable pastiche (du cinéma antonionien ?),
le film a néanmoins des allures d'exercice de style sur la relativité
de l'honnêteté et la relation kafkaïenne avec l'autorité policière*. Si
l'on est forcément un peu déçu par la faible place occupée par les
personnages interprétés par Micheline Presle et la Milanaise Cristina Gaioni (Nella città l'inferno), le numéro de duettiste auquel se livrent Marcello Mastroianni et le Sicilien Salvo Randone s'avère savoureux à souhait. La qualité de la photographie assurée par Carlo Di Palma doit aussi et enfin être soulignée.
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*dont l'incapacité à distinguer le bien et le mal serait, selon le
commissaire Palumbo, d'origine constitutionnelle, i.e. liée à la
préservation excessive des libertés publiques !
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