"Vas manger ta soupe si tu veux grandir
Je n'ai pas de soupe pour vous obéir..."
Un pauvre bucheron livrait, chaque jour et en toutes saisons, ses fagots au château où résidaient le roi Hugues, la reine et leur fille unique, la jeune princesse Rosemonde. Celle-ci n'était pas autorisée à sortir, de peur qu'elle ne soit confrontée à la dure réalité du monde. Pour la divertir et tenter d'atténuer son sentiment de solitude, l'ingénieux et habile souverain lui confectionnait toute sorte de merveilleux jouets. De son côté, le bucheron et son épouse avaient donné naissance à trois paires de jumeaux, les inséparables le Noir et Noirot, les gourmands Marron et Châtaigne, les timorés le Roux et Roussot. Puis enfin leur solitaire et rêveur benjamin, petit de taille dès le berceau et appelé pour cette raison le petit Poucet, lequel aimait découvrir les animaux et insectes de la forêt.
Un jour qu'il observait, comme il en avait l'habitude, le château, un objet étincelant, un papillon fabriqué par le roi, s'envola au dessus des tours. Avant la garde envoyée à sa recherche, Poucet retrouva le cerf-volant au sommet d'un arbre et le ramena, une fois la nuit venue, à sa jolie et mystérieuse propriétaire. Au moment de la quitter, Poucet lui jura de la revoir. La famine s'abattit bientôt sur le royaume. Les rats constituaient désormais la maigre pitance des soldats ainsi que du replet intendant ; le bucheron et les siens n'avaient eux rien à manger. En rentrant très tard dans la cabane familiale, Poucet entendit son père confier à sa femme son intention de perdre ses enfants le lendemain dans la forêt. Avant de partir, le rusé tardillon eut l'idée de ramasser puis de déposer sur le chemin de petits cailloux blancs.
Porté à l'écran dès 1905 (puis sept ans plus tard par Louis Feuillade avec René Dary dans le rôle-titre), le populaire conte de tradition orale publié en 1697* par Charles Perrault a connu bien des vicissitudes à l'occasion de ses multiples adaptations au cinéma. Parmi celles ayant suscité un réel et durable engouement (parfois un peu énigmatique), la version plutôt libre signée au début des années 1970 par Marcel Jullian et Michel Boisrond** reste sans doute comme l'une des plus réussies de la période moderne. L'idée, en particulier, de proposer un motif romantico-contrapuntique en opposant d'emblée la solitude enchantée de la petite princesse à la tragique fraternité du héros miniature s'avère assez intéressante. Une association qui modère cependant la prégnance de l'orientation dialectique du récit : "manger-être mangé" (croisée avec celle, plus philosophique, de pulsion-réflexion). L'ambition visuelle de Boisrond n'est certes pas aboutie, se heurtant notamment aux limites techniques de l'époque. Mais elle contribue indiscutablement au charme dégagé par ce Petit Poucet. Et puis Jean-Pierre Marielle compose un ogre tellement formidable !
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*"Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités" connu sous le titre (de dos) "Contes de ma mère l'Oye" comprenant également "Barbe bleue", "La belle au Bois dormant", "Cendrillon", "Le petit chaperon rouge", "Le chat botté", "Les fées" et "Peau d'âne".
**ancien assistant de René Clair notamment, surtout connu pour ses réalisations de la fin des années 1950.
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