"Lost? Lost where?"
L'un des meilleurs films d'horreur surnaturelle de la décennie ? Si l'on considère qu'elle a débuté il y a dix mois, l'étroitesse du segment et tient compte du succès publico-commercial(1) rencontré par le quatrième long métrage (en solo) de James Wan, la réponse est affirmative. Il est pourtant bien difficile de renouveler ce genre codifié à l'extrême mais aussi dominé par des références un peu inhibantes. Certains cinéastes, asiatiques et hispaniques notamment, y sont parvenus en ayant recours à des particularités culturelles ou à des astuces narratives inédites. Pour l'écriture d'Insidious, l'Australien Leigh Whannell(2) a trouvé une idée relativement originale et "effroyablement" divertissante, celle du contrepied des récits de maison hantée (aussi anciens que le cinéma lui-même) et de possession maléfique. Sans déclencher un enthousiasme ni une angoisse incontrôlables, ce thriller produit par le trio Jason Blum-Oren Peli-Steven Schneider (les "pères" de la trilogie Paranormal Activity), présenté l'année dernière au TIFF puis à Sitges, mérite que l'on y prête attention.
Josh Lambert, son épouse Renai et leurs trois enfants Dalton, Foster et la toute jeune Cali viennent d'emménager dans une grande et belle maison. Réveillée tôt, Renai est bientôt rejointe au rez-de-chaussée par son aîné qui a lui aussi mal dormi et déclare ne pas aimer sa nouvelle chambre. Ensemble ils tournent les pages d'un album-photo dans lequel Josh n'apparaît jamais. Restée seule, Renai tente de composer une chanson, Iinterrompue par les pleurs soudains de sa fille. Des bruits indistincts l'attirent vers le vieux grenier où la combustion périodique d'un poêle pourrait les expliquer. Le soir venu, Dalton y monte à son tour pour jouer. La marche d'une échelle en bois cède lorsqu'il y monte pour tirer le cordon de l'ampoule, provoquant sa chute. C'est la présence de quelque chose ou de quelqu'un qui motive les cris vers lesquels se précipitent ses parents, ignorant la cause réelle de la peur de l'enfant.
Le lendemain matin, Dalton ne se réveille pas. Après une première série de tests à l'hôpital, le médecin ne peut diagnostiquer qu'un incompréhensible coma. Trois mois plus tard, Dalton toujours inconscient est ramené chez ses parents. Renai entend par le veille-bébé une étrange conversation d'abord chuchotée, ensuite plus forte suivie d'un retentissant "Donne !". Elle trouve Cali en pleurs mais seule dans sa chambre. Foster, au moment de se coucher, demande sans l'obtenir à changer de chambre, craignant son frère lorsqu'il marche pendant la nuit. Un bien tardif mais invisible visiteur frappe deux fois à l'entrée. Renai aperçoit fugitivement un individu derrière les rideaux de la chambre de Cali. La sonnerie de l'alarme suspend les vaines recherches de Josh. En bas, la porte est grande ouverte ; personne ne semble pourtant s'être introduit dans la maison.
"It's not the house that's haunted." Une sentence interlocutoire (négative) qui dévoile l'un des ressorts trouvé par Leigh Whannell(3). Efficacement intrigué et décontenancé, le spectateur ne sait alors plus à quel fantôme ou démon se vouer. Jusqu'à la révélation de la clef qui, de façon curieuse et plutôt impertinente, coïncide avec l'introduction d'une tonalité comique, presque burlesque. Cette clarification causale, argument assez peu usité au cinéma(4), conduira d'ailleurs ensuite à plonger durablement les acteurs de ce drame suprasensible dans une intense obscurité. Les nombreuses références cinématographiques évoquées par James Wan et Whannell restent discrètes (à l'exception d'une scène empruntée à The Changeling). Le recours aux bonnes vieilles recettes, visuelles et sonores, contribue cependant à atténuer l'objectif de novation. La mise en scène de l'exploration du Lointain (Further) déçoit également un peu (un défaut de maitrise dont souffrait déjà Dead Silence). En revanche, les valeureux Rose Byrne et Patrick Wilson se montrent à la hauteur de leurs talents. Ce dernier retrouve au passage Ty Simpkins (avec lequel il avait tourné Little Children). La présence de Lin Shaye et d'Angus Sampson, en ghost buster bricoleur, constitue enfin un atout supplémentaire.
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1. 54M$ de recettes nationales auxquels s'ajoutent 38M$ à l'étranger (pour un budget de 1,5M$), c'est à dire proches de Saw (dans une configuration quasi identique, malgré un démarrage moins fort), inférieures cependant à celle des deux opus suivants de la série.
2. complice depuis le premier film de son compatriote réalisateur d'origine malaisienne, promoteurs ensemble de la franchise Saw et membres de l'officieux "Splat Pack" où figurent également Alexandre Aja, Darren Lynn Bousman, Neil Marshall, Greg Mclean, Eli Roth et Rob Zombie.
3. confirmée par la poursuite des phénomènes malgré un second déménagement.
4. aux évidentes connexions avec le chamanisme, lequel sous-tendait par exemple le scénario d'Enter the Void. Elle sert parfois de possible explication à la lycanthropie.
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