"E così, in questo inferno... il cervello, poco a poco... se ne scappa, sciopera, sciopera, sciopera, sciopera!"
Si elle rompt avec le genre polar, la troisième des quatre collaborations du réalisateur Elio Petri avec le scénariste salernitain Ugo Pirro conserve néanmoins cette vigoureuse tonalité politique qui déjà caractérisait l'Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto. Fils d'ouvrier, le cinéaste romain avait illustré l'accaparement du travail et la finitude dans I Giorni contati auquel la présence de Salvo Randone, qui y tenait le rôle principal, semble ici constituer comme un clin d'œil. Apre, presque désespéré, La Classe operaia va in paradiso, en traitant de l'aliénation (à toutes les acceptions du terme), souligne aussi une nouvelle fois les contradictions de la société italienne de la fin du miracle économique (le local Gianni Agnelli est cité à plusieurs reprises)
marquée par l'influence croissante du parti communiste et l'émergence
de mouvements révolutionnaires pratiquant la lutte armée. "Palme d'or"* de la 25e édition du Festival de Cannes, ce drame permit au remarquable Gian Maria Volonté d'obtenir sa première distinction ("Mention spéciale") à l'étranger.
Lorsqu'il se réveille pour la seconde fois à 6h30, Massa 'Lulù' Ludovico tient d'étranges propos à sa compagne Lidia et au fils de celle-ci, Arturo. En ce neigeux matin d'hiver, comme les autres ouvriers de la B.A.N.,
il reste indifférent au slogan révolutionnaire répété par des étudiants
à l'entrée de l'usine, soupçonnés par certains de vouloir créer une
scission au sein de l'unité des trois syndicats. Le Lombard, fier
champion du rendement et chargé de former deux nouvelles recrues, sert
d'étalon aux contremaîtres pour fixer les niveaux de productivité des
autres manœuvres de l'atelier. Plusieurs d'entre ces derniers avec à
leur tête Bassi, l'un des représentant du personnel, refusent
d'adopter les nouvelles cadences du travail aux pièces sans discuter au
préalable des contreparties salariales. De retour épuisé chez lui, Massa s'irrite des reproches de Lidia
qu'il n'a, depuis quelques temps, plus l'énergie ou l'envie d'assouvir.
Le lendemain, à l'entrée de la fabrique, la revendication de
réglementation du travail fixé par le responsable syndical se mêle aux
exigences extrémistes des étudiants. Exaspéré par les moqueries et
admonestations de ses camarades, Massa perd deux phalanges de son index droit lors d'un accident sur sa machine. Après être allé voir son fils Armando dont la mère Ginevra vit désormais avec Bassi, le mutilé rend visite à Militina, un ancien ouvrier de la B.A.N. interné dans un asile de fous.
"J'ai
voulu faire un film sur un ouvrier moyen. Sur sa mentalité, sur ses
faiblesses, sur ses déchirements. Et je l'ai réalisé avec un langage
populaire." Sans trahir ses intentions originelles avouées, Elio Petri les développe avec force sous des angles évidemment sociaux et politiques mais également familiaux (voire intimes, la sexualité y tenant une place, y compris symbolique, significative) qui font une grande partie de l'intérêt narratif de La Classe operaia va in paradiso.
Le titre lui-même résonne, avec ironie, comme une imposture à la fois
"spirituelle" et intellectuelle. A l'image de celle qui fonde, pour
l'essentiel, l'injustice et l'exploitation humaines. Le scénario
circonscrit assez bien les déconcertantes alternatives, entre animal
vaguement évolué et machine perfectible, individualisme (voire solitude) et solidarité auxquelles Massa se retrouve régulièrement confronté. Quoique solidement entouré, Gian Maria Volonté
accapare, à travers son personnage contrasté, le récit et l'écran. Une
monopolisation qui pourrait bien susciter l'une des rares réserves
formulées à l'égard de cette huitième fiction d'Elio Petri.
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*ex-æquo avec Il Caso Mattei de Francesco Rosi.
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