lundi 3 septembre 2012

The Swimmer (le plongeon)


"No. You see, if you make believe hard enough that something's true, then it is true, for you."

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Œuvre unique et à bien des égards inclassable, The Swimmer tient véritablement du phénomène. Avant même d'en apprécier la singularité, il faut préciser que le film est mis en chantier dans un contexte de production en voie de renouveau certes mais encore assez conventionnel(1). Porté par Roger Lewis (producteur de l'adaptation de The Pawnbroker par Lumet puis de la série Shaft) associé à la Columbia (le plus ambivalent et le moins normatif des studios hollywoodiens à cette époque), ce drame reformulé par Eleanor Perry à partir du bref récit de John Cheever(2) développe plusieurs niveaux de lecture et de compréhension. Parmi lesquels une très étrange et saisissante métaphore de la dualité (un des thèmes récurrents de l'auteur), de la survivance et de la perte. The Swimmer offrait aussi à Burt Lancaster (pour lequel c'était le meilleur film de sa carrière et son favori) un rôle particulièrement atypique au cinéma.
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Un dimanche, par une belle journée du début de l'automne. Un homme nu à l'exception d'un maillot de bain traverse un bois avant de plonger dans une piscine et d'y nager trois longueurs. Un homme lui tend soudain un verre et l'interroge sur sa disparition prolongée. Ned 'Neddy' Merrill rend bientôt hommage à Helen, l'épouse de Don, encore étourdis par l'abus d'alcool lors du dîner organisé la veille. Invités du couple, Stu Forsburgh, ancien compagnon de scoutisme de Merrill, et sa femme Peggy sont sur le point de prendre l'avion pour rentrer à Columbus. La récente construction d'une piscine chez les Graham et la rivière qu'elle constitue avec celles des Leer, Bunker, Halforan, Gilmartin, Biswanger et Shirley Abbott donnent à Merrill l'idée de retourner chez lui à la nage en terminant par le bassin public du centre de loisirs. Accueilli fraichement et renvoyé par Mme Hemmer pour avoir ignoré la maladie et le décès de son fils, il oublie cet incident en faisant la course avec un cheval. Chez les Leer, il reconnait à peine Julie Hooper, l'ancienne baby-sitter d'Ellen et Maggie Merrill. La jeune femme qui vient de fêter ses vingt ans accepte de l'accompagner dans son aventure. En route, elle lui avoue avoir été autrefois follement amoureuse de lui.
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Souvent présenté comme une illustration un peu lyrique de la Midlife crisis(3) et/ou une allégorie de l'échec du Rêve américain, The Swimmer élabore plutôt une insidieuse critique du bonheur (en l'occurrence bourgeois et matérialiste) et de la feinte convivialité sociale. Sorte de road-movie(4) en partie aquatique, le troisième film de Frank Perry (David and Lisa) joue subtilement sur l'apparent dénuement camouflant, presque tout au long du métrage, la dissimulation voire la négation. La narration métaleptique et l'atmosphère s'apparentent d'ailleurs à ceux d'un lumineux rêve élégiaque évoluant, pas à pas, vers un lugubre cauchemar. L'interprétation de Burt Lancaster, dans un rôle à la fois difficile et insolite que l'on ne peut pourtant qualifier de contre-emploi, est enfin tout simplement épatante. Trop peut-être puisque seules la quasi débutante Janet Landgard et la comédienne Janice Rule (remplaçante de Barbara Loden dans la scène réalisée par Sydney Pollack) émergent vraiment au milieu des personnages de soutien.
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1. sur lequel se fondent notamment In the Heat of the Night, The Graduate ou Guess Who's Coming to Dinner produits la même année.
2. publié la première fois dans "The New Yorker" en juillet 1964.
3. celle que met, par exemple, Ang Lee dans The Ice Storm qui se situe également dans le Connecticut.
4. la trajet suivi par Merrill s'apparente en effet assez bien à une fuite vers un lieu inconnu.

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